Le livre « Le Prophète rouge. Enquête sur la révolution, le charisme et la domination », écrit par Julie Pagis, est disponible en édition La Découverte, partie de la collection « L’univers des faits ». Il compte 352 pages et est vendu au prix de 21€ pour la version papier et 15€ pour la version numérique.
L’ouvrage étudie le dilemme moral au sein des idéaux révolutionnaires, cherchant à comprendre pourquoi tant de dissidents se soumettent à l’obéissance incongrue et souvent humiliante imposée par leur parti et leur leader. Le XXe siècle en regorge d’exemples, mais le mystère demeure entier : Pourquoi l’appel à la justice entraîne parfois un plaisir masochiste. Cette obsession relative à l’émancipation concerne nombre de personnes, cependant, seuls quelques individus réalisent l’urgence de confronter ce sort.
Julie Pagis, fille de parents issus des manifestations de Mai 68 et ancienne militante de l’extrême gauche, fait partie de cette minorité. Dans le cadre de son travail dans le domaine de la sociologie et après plusieurs publications autour de la transmission politique, elle propose dans « Le Prophète rouge » une réflexion délicate et sophistiquée sur le concept de « charisme ». Son travail est d’autant plus touchant qu’elle tente d’intégrer sa subjectivité, examinant comment ses émotions peuvent éclairer ou brouiller sa méthodologie de recherche.
Centré sur un individu apparemment sans substance, le livre met en scène un ouvrier communiste d’origine espagnole, Fernando Fernandez (1932-2008). Il s’était autoproclamé leader d’une minuscule secte maoïste, illustrant l’étendue du désenchantement post soixante-huitard en France. Exerçant pendant une décennie, Fernandez a su tirer parti de son statut (prétendu) de lutteur antifranquiste et de sa réputation (suspecte) de traducteur de Mao pour attirer un groupe de quatorze individus répartis en sept couples. En 1971, ces militants cherchaient à matérialiser leurs ambitions par le biais d’une expérience de vie quotidienne. Ils ont ainsi investi un ancien monastère à Clichy, en région parisienne, où ils dispensaient des cours d’alphabétisation aux travailleurs immigrés, menaient une vie ouvrière ordinaire, organisent des célébrations, ont même créé une « garderie prolétarienne » ainsi qu’une librairie baptisée « Oser Penser ».
Toutefois, comme le démontre Julie Pagis, cette communauté était régie par un système disciplinaire paranoïaque qui étouffait toute initiative à la réflexion. Immitant à une échelle microscopique les déviances des régimes totalitaires stalinien et maoïste, les membres de cette secte vivaient sous la domination de leur gourou omnipotent, qui contrôlait leur sexualité, leurs enfants, leurs ressources financières, et leur imposait de longues séances de « rectification » politique à travers une culpabilité martelée par le marxisme et l’autocritique dégradante.
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