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« Dominique Rousseau: Philosophie Parlementaire et Constitution »

La question se pose : est-ce conforme à la Constitution ? Des députés qui, bien que démissionnaires de leurs postes ministériels, siègent à l’Assemblée nationale et participent à la sélection de la présidente, un chef d’État qui prend plusieurs semaines pour désigner un Premier ministre, un gouvernement qui gère des tâches courantes, un Président qui ne fait pas appel à la figure phare de la coalition ayant remporté le plus de sièges – est-ce en accord avec la Constitution ? Pour éclaircir la situation, les médias se sont tournés vers des constitutionnalistes, de la même façon qu’ils avaient sollicité l’avis des médecins pendant la crise sanitaire et des généraux lors du conflit en Ukraine. Ils ont également, ce qui est logique, demandé aux dirigeants politiques de fournir leur analyse de la situation. Il est rapidement devenu évident que l’interprétation des politiciens et des constitutionnalistes n’était pas identique. En attendant probablement d’autres débats, il pourrait être bénéfique de dresser un état des lieux de cette divergence d’opinions sur deux aspects : le caractère pragmatique de la Constitution et la structure parlementaire de la Ve République.

Avant d’être une norme, une Constitution est principalement un document écrit, soit un ensemble de mots dont l’interprétation et le contexte d’usage déterminent la signification. Par exemple, en 1789, le terme « égalité » était synonyme de « égalité entre les hommes » alors qu’aujourd’hui, il signifie « égalité entre les hommes et les femmes ». Cependant, la définition de « égalité entre citoyens nationaux et étrangers » n’existe pas encore. Cette caractéristique pragmatique de la Constitution ne doit pas nous amener à conclure qu’elle n’a aucune signification ; toutes les interprétations ne sont pas équivalentes. Comme l’a fait valoir Michel Foucault, attribuer une signification aux termes constitutionnels dépend des règles du discours juridique qui, dans un contexte spécifique, conduisent à l’interprétation prédominante.

Prenons comme exemple la question du pouvoir présidentiel de désigner le premier ministre. L’application de l’Article 8 de la Constitution par de Gaulle, Pompidou, Giscard d’Estaing et Mitterrand a conduit à la conclusion que cet article confère au président un pouvoir autonome, un pouvoir discrétionnaire dans la nomination du premier ministre. Cependant, les cohabitations politiques ont révélé les limites de ce pouvoir. En effet, Mitterrand a été contraint de nommer Chirac en 1986 et Balladur en 1993. De même, Chirac a été forcé de nommer Jospin en 1997.

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