Le Sénégal est régulièrement touché par des catastrophes de pluie dévastatrices, les inondations, qui se produisent à chaque saison des pluies. Ces inondations, parfois mortelles, paralysent les activités des villes, endommagent les biens et affectent la population. Cette année encore, les rues de Dakar, capitale du pays, ainsi que celles de Kaolack, important centre économique, et de Touba, centre spirituel influent pour la confrérie mouride, sont inondées.
Ousmane Sonko, nommé premier ministre le 2 avril, rencontre ce défi climatique pour la première fois. Avant l’arrivée de cette crise, il avait promis en mai d’y remédier, au moins à long terme. Inquiété par la situation actuelle, il a demandé un audit de l’utilisation des fonds alloués au plan de lutte contre les inondations (717 milliards de francs CFA, soit 1,1 milliard d’euros) mis en œuvre par l’ancien gouvernement, dont l’efficacité avait été critiquée par lui.
Cet épisode met en lumière les incertitudes actuelles en matière de gouvernance. Les nouveaux dirigeants réitèrent souvent une déclaration faite par Ousmane Sonko le 3 août : « Nous avons hérité d’un Etat en ruines ». Depuis lors, le Premier Ministre a mis en place plusieurs comités pour auditer la gestion de l’ancien régime. En effet, le 19 août, une commission a été créée pour examiner les contrats miniers, pétroliers et gaziers conclus avec des entreprises étrangères jugés peu avantageux, dans le but de les renégocier. Les leaders actuels sont souvent accusés de montrer un manque de respect envers les institutions.
Selon Papa Fara Diallo, Professeur à l’université Gaston-Berger de Saint-Louis, les mesures prises par le premier ministre lui permettent d’agir sans devoir consulter le Parlement. Il utilise son influence sur les divers organes et services de l’État, comme le contrôle des finances, les taxes et les domaines. Cependant, les grandes réformes sont toujours en attente à cause du manque de majorité à l’Assemblée nationale.
Depuis les élections législatives de 2022, la coalition Benno Bokk Yakaar de l’ancien président Macky Sall (2012-2024) contrôle 83 des 165 sièges. La vice-présidente de ce groupe, Adji Mergane Kanouté, espère, comme beaucoup de ses collègues, que le premier ministre fera sa déclaration de politique générale devant le Parlement. Elle souligne la nécessité de débattre des problèmes du pays, comme l’inondation. Elle insiste pour que le premier ministre se présente devant l’Assemblée nationale.
Jusqu’à présent, le premier ministre, M. Sonko a refusé de le faire, affirmant que le rôle du chef de gouvernement n’est pas défini par le règlement de l’Assemblée. Cependant, une modification à ce règlement a été approuvée par les députés le 16 août pour permettre à M. Sonko de se présenter devant eux. Malgré cela, il n’a pas indiqué s’il prendra cette voie. Pour l’instant, il opte pour d’autres moyens de communication, ce qui donne des munitions à l’opposition qui l’accuse de ne pas respecter les institutions.
Dernièrement, l’activité diplomatique s’est intensifiée. Notamment au Mali où le discours souverainiste et panafricain a été réaffirmé : « Nous sommes toutes nations indépendantes, nous devons nous respecter en tant que telles », a déclaré une personnalité le 12 août à Bamako. Cette personnalité a, par la suite, critiqué le gouvernement de Macky Sall qui avait imposé un embargo sur le Mali ainsi que sur les autres nations de la Communauté Économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) pour punir la junte arrivée au pouvoir suite au second coup d’état de 2021.
Telle une sanction
Ousmane Sonko, l’opposant notoire, est connu pour ses positions polémiques. Son arrivée au poste de Premier ministre n’a pas altéré ce trait de caractère. Le 30 juillet dernier, il a ravivé le débat sur l’autorisation du port du voile dans les écoles francophones. « C’était une déclaration purement populiste. Il n’y avait pas de véritable question à débattre », commente un membre de l’Alliance pour la République (APR), parti fondé par Macky Sall.
Certaines de ses décisions ont également été critiquées. Notamment celle du Président Bassirou Diomaye Faye qui a orchestré le 11 août un vaste mouvement de rotation des juges. Trois d’entre eux, ayant supervisé l’affaire présumée de viol par Ousmane Sonko sur une masseuse à Dakar en 2021, ont été délocalisés à Tambacounda, à l’écart de Dakar, dans l’est du pays. Cette action a été interprétée par beaucoup comme une sanction.
La gouvernance d’Ousmane Sonko semble être en suspens en attendant la potentielle dissolution de l’Assemblée nationale, qui pourrait être annoncée mi-septembre par le président Diomaye Faye. Adji Mergane Kanouté souligne que l’ouverture d’une campagne électorale ne pourrait que favoriser Ousmane Sonko, qui semble parfaitement à l’aise en tant que chef de parti. Le Premier ministre pourrait s’appuyer sur son « projet » pour soutenir sa cause – un programme détaillé proposant un large éventail de réformes économiques et sociales. Les partisans du Parti africain pour le travail, l’éthique et la fraternité (PASTEF) du Sénégal, fondé et dirigé par M. Sonko, sont tous unis par ce projet. Un membre éminent de PASTEF explique qu’ils aimeraient que des élections législatives soient organisées le plus tôt possible, afin qu’ils puissent véritablement prendre les rênes du pouvoir. Quant à l’opposition, elle semble encore chercher un leader pour diriger cette nouvelle bataille électorale.