Lors d’une interview avec Le Monde en 2013, George Steiner, philosophe et enseignant, né en 1929 et décédé en 2020, exprimait déjà sa préoccupation quant à « l’engourdissement spirituel » des nouvelles générations. « Nous sommes en train de provoquer apathie et acédie chez les jeunes », déclarait-il. Il semble vouloir dire que les jeunes sont devenus stupides, moins curieux et moins ouverts sur le monde qu’auparavant. Anne Cordier, chercheuse en sciences de l’information et communication et professeure à l’université de Lorraine, le contredit en rappelant qu’il y a aujourd’hui de nouvelles façons de lire, d’écrire, de communiquer et de découvrir. Elle affirme que les jeunes, non seulement utilisent des outils modernes pour s’édifier mais aussi créent leur propre culture, comme jamais auparavant.
Est-ce que l’ignorance de la jeunesse est un stéréotype constamment répété ? La réponse est oui, sans aucun doute. On peut retrouver dans les textes anciens des auteurs inquiets devant la décadence intellectuelle de la jeunesse, leur désobéissance à l’ordre social, l’incapacité à tisser des liens sociaux, et l’érosion des systèmes de valeurs et de références causée par les comportements et pratiques des jeunes.
Rien n’a changé, malheureusement. Nous sommes confrontés ici à un stéréotype qui est une sorte de posture anthropologique qui se perpétue à chaque époque. On pourrait dire que la seule chose qui change est l’objet qui permet de « prouver » – les guillemets sont essentiels ici ! – l’ignorance de la jeunesse. Il fut un temps où la lecture de romans était considérée comme dégradante, puis jouer au flipper, lire des bandes dessinées, écouter du rock, du rap… Et maintenant nous sommes à l’époque où l’ignorance des jeunes serait manifeste à travers leur utilisation excessive des « écrans ».
Le temps passé devant les écrans est-il réellement nuisible à notre curiosité ? N’est-ce pas plutôt les plateformes de médias sociaux qui sélectionnent et présentent du contenu en fonction de nos habitudes et préférences, qui contribuent à une certaine banalisation des savoirs ? Pas nécessairement.
Pour commencer, il faut clarifier ce que nous entendons par « écrans ». Ce mot a une signification assez floue et son utilisation en tant que terme générique peut souvent conduire à des malentendus et à des conclusions prématurées. Il est utilisé de manière interchangeable pour désigner différents appareils technologiques, rendant ainsi invisibles la diversité et la complexité de leur utilisation, allant du jeu à la recherche d’informations, en passant par la communication. Il est donc crucial de distinguer les différentes activités qui sont effectuées sur ces machines.
De plus, la focalisation sur le « temps d’écran » est en elle-même problématique. La recherche a clairement montré que non seulement il est impossible de mesurer avec précision le temps passé devant les écrans, mais aussi que se baser sur cette approche n’a que peu de sens. On ne peut pas se fier à des déclarations subjectives ou à des impressions pour estimer ce temps, ni l’utiliser comme indicateur de curiosité, d’apprentissage ou d’engagement culturel. La question devrait plutôt être : comment le temps est-il utilisé ? Que se passe-t-il lorsque l’utilisateur utilise son téléphone ou sa tablette à un certain moment de la journée, avec qui, pour qui et dans quel but ?
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