« Si tu endommages quelque chose, tu dois le réparer ; si tu salis, tu dois nettoyer ; si tu défies l’autorité, on t’apprendra à la respecter. » C’était le message de Gabriel Attal, premier ministre à l’époque, livré à l’Assemblée nationale en janvier. Cette déclaration avait trouvé un écho dans un pays encore en état de choc suite aux soulèvements urbains survenus après la mort tragique de Nahel, un jeune homme de Nanterre, tué par un policier en juin 2023.
Cette déclaration semblait résumer une croyance largement propagée : la jeunesse d’aujourd’hui ne respecte plus l’autorité. Est-ce vrai ? La France traverse-t-elle une crise de l’autorité à tel point que les jeunes se sentent libres de tout faire à leur guise ? Laelia Benoit, pédopsychiatre à l’université Yale et à l’Institut National de la Santé et de la Recherche Médicale, auteure d’un essai sur le « Infantisme » (Seuil, 2023) – un mot qui englobe tous les stéréotypes négatifs associés aux enfants et adolescents, soutient que cette affirmation est trop simpliste.
Certains dirigeants politiques pointent du doigt une montée de la violence parmi les jeunes, utilisant même le terme « ensauvagement ». Mais est-ce vraiment le cas ?
Pour commencer, il n’y a pas une seule « jeunesse » ou un groupe appelé « les jeunes ». Les parcours des enfants et adolescents, et les comportements violents de certains d’entre eux, sont plus déterminés par les inégalités sociales que par leur âge. Par contre, il y a indéniablement un fantasme sur les jeunes, souvent perçus comme violents, impulsifs, incontrôlables.
La peur de la jeunesse n’est pas un concept nouveau : elle est présente à travers les âges. La génération précédente a souvent tendance à nommer la suivante, par peur d’être remplacée par une nouvelle génération plus jeune, plus forte, plus attractive. C’est la crainte presque instinctive d’une jeunesse indomptée qui pourrait défaire l’autorité des ainés. Le rôle fondamental de la jeune génération, considérée comme un groupe distinct, est de remettre en question et, éventuellement, de remettre en cause les normes que la génération précédente considérait comme acquises.
Vous croyez qu’il existe actuellement une crise d’autorité en France ?
Je ne peux pas nier qu’il y a de la violence, et il est compréhensible que certaines personnes soient préoccupées par cela, mais le concept de « crise d’autorité » est souvent utilisé comme une explication simpliste des défis actuels. En réalité, ces défis sont le résultat d’un système négligé.
Considérez notre système éducatif : nous avons perdu de nombreux enseignants talentueux en raison de la dépréciation de leur profession. Plutôt que de s’efforcer de mieux former et mieux rémunérer les enseignants, nous avons créé une atmosphère où les jeunes les redoutent. La dissolution de la police communautaire, qui avait tissé des liens précieux avec les résidents des quartiers défavorisés, reflète la même tendance : diminution des dépenses, perte des professionnels les mieux formés et création d’un environnement punitif pour tenter de maintenir le contrôle sur des zones délaissées.
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