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22 août 2024 21 h 06 min

« Les passionnés du saké »

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Au Tachinomi Kuri, un petit bar à saké de Tokyo, on observe fréquemment des employés de bureau patienter en ligne pour un verre après le travail. Ici, pour environ 500 yens (3 euros), on consomme de l’alcool de riz, généralement de 16°, debout et rapidement sur le chemin du retour à la maison. L’affluence constante des clients et la vaste variété d’alcools présentés dans de petits barils marqués par des étiquettes multicolores (représentant des samouraïs, des paysages, des personnages de manga) pourrait donner l’impression que le saké conserve sa position royale parmi les boissons de comptoir japonaises. Cependant, ce n’est pas le cas.

D’après les informations de l’agence nationale de la fiscalité du pays, la consommation annuelle d’alcool par adulte au Japon a diminué de 100 litres en 1995 à 75 litres en 2020. Le saké a été supplanté par des boissons plus tendances comme la bière et les highballs, des cocktails combinant des sodas et des spiritueux. Face à cette chute de la popularité du saké, le gouvernement a même financé une campagne en 2023 pour encourager sa consommation parmi les jeunes.

L’innovation des brasseurs joue un rôle clé dans cette revitalisation. Prenez par exemple, Noriyoshi Nagai, qui dirige la brasserie Nagai Sake Brewery située aux pieds des montagnes brumeuses de la préfecture de Gunma, à deux heures de route de Tokyo. M. Nagai nous emmène dans une forêt de pins surplombant son entreprise où il présente une bouteille qui ressemble à du champagne, sortie d’un seau à glace près d’une rivière. Cette présentation sert surtout à illustrer comment son approche a évolué, car les alcools qu’il produit n’ont guère de ressemblance avec ceux que son arrière-grand-père, un samouraï qui a troqué son katana pour fonder l’entreprise en 1886, préparait.

La bouteille de saké effervescent s’inspire du champagne dans sa présentation, avec un verre vert, une cage en fil de fer serrée autour du col et un bouchon de liège qui fait un petit « plop » caractéristique lors de l’ouverture. Une fois dans le verre, ce saké révèle sa nature pétillante, offrant une élégance, de fines bulles et une douceur plus marquée que le vin effervescent français, ainsi que des arômes de litchi. M. Nagai confie avoir effectué plus de sept cents tentatives infructueuses pour obtenir ce résultat. Inspiré par la méthode champenoise qu’il a découverte lors de visites dans les vignobles français, il a été le premier à commercialiser ce produit à double fermentation. « Je ne voulais pas simplement gazéifier du saké, je voulais retrouver la subtilité du champagne », dit-il. Son persévérance a porté ses fruits : malgré un démarrage difficile en 2008, le saké effervescent représente à présent 20% de ses ventes.

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