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22 août 2024 2 h 09 min

Kamala Harris invite influenceurs à présidentielle

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L’assemblée démocrate nationale n’a jamais été considérée comme « le lieu incontournable ». Cependant, cette année semble être l’exception, d’après les vidéos des influenceurs qui se promènent sur le tapis bleu du United Center à Chicago depuis le lundi 19 août, enchaînant les selfies avec les délégués, sirotant du champagne à bord d’un yacht luxueux et s’exclamant à l’apparition de Barack Obama sur scène, tous sous des casquettes « Harris Walz ».
Pour la première fois, deux cents créateurs de contenu ont obtenu une accréditation du Parti démocrate pour couvrir la convention, bénéficiant d’un accès privilégié aux événements et aux invités, comparable à celui des journalistes. Cinq d’entre eux ont même eu l’opportunité de monter sur la scène – la même qui a vu se succéder en trois jours Joe Biden, Kamala Harris et d’autres figures du parti. Parmi ceux-ci, l’influenceuse Deja Foxx, suivie par 140 000 abonnés sur TikTok, qui fait le point, entre deux « tenues du jour », sur son discours prévu pour lundi. « J’ai pu mettre en avant les préoccupations qui vous tiennent le plus à cœur, comme les droits de reproduction, le coût de la vie, la dette étudiante », s’exclame la jeune femme face à la caméra le soir même dans une vidéo au montage dynamique, reflétant sa première journée sur place.

Les images sont une prétention d’une nouvelle approche décidée par le parti démocrate : Interagir avec cette génération d’électeurs prometteurs là où ils se trouvent majoritairement. « Kamala Harris s’efforce d’attirer ces personnalités d’influence parce qu’elles ont le pouvoir d’atteindre les jeunes électeurs qui ne s’engagent pas avec les médias traditionnels », décode Thomas Gift, responsable du département de politique américaine à l’University College London. Selon une enquête de Pew Research Center en Novembre 2023, environ la moitié des Américains se renseignent, du moins en partie, via les médias sociaux. Parmi ceux qui ont moins de 30 ans, un tiers se renseigne « régulièrement » via TikTok. Pour les partis, il est irréalisable de rester insensible à l’influence de ces plateformes, note M. Gift.

Donald Trump, en faveur aussi de tirer profit de ces, souvent considérés comme, experts en vidéos virales, avait invité le mannequin Amber Rose à monter sur scène lors de la convention républicaine en juillet. Durant sa campagne de 2016, l’ancien président, fanatique des réseaux sociaux, est même allé jusqu’à s’afficher avec des influenceurs comme Logan Paul ou Adin Ross. En revanche, les démocrates sont en train de combler le fossé de l’écart de popularité entre eux et le mouvement MAGA (« Make America Great Again », slogan de Donald Trump) sur Internet.

Avec l’entrée en politique de Kamala Harris dans la course à la Maison Blanche le 21 juillet, les fans de la « Kamalamania » ont envahi les réseaux sociaux avec des montages drôles et créatifs mettant en scène la danse de la candidate ou son rire, devenus en quelques semaines les emblèmes d’un enthousiasme démocrate renaissant. Des emblèmes que le parti n’a certainement pas hésité à disséminer à travers les salles de Chicago.

Le YouTuber Brian Tyler Cohen a noté que la convention avait réussi à briser la tradition en incluant une diversité de voix, attirant ainsi un large éventail de spectateurs. Il relève qu’à lui seul, il est capable de toucher entre six à sept millions de personnes qui autrement ne s’intéresseraient pas à la politique. Il fait référence à la surprise d’avoir le rappeur américain Lil Jon comme invité à la convention, qui a dynamisé l’événement.

Les influenceurs semblent avoir maîtrisé l’art de captiver leur public et de gagner leur confiance. Brian Rolling, cofondateur de MurMur Impact, un groupe qui vise à mobiliser les jeunes pour la cause progressiste américaine, met en évidence que cette confiance est acquise grâce à la façon dont ils interagissent avec leurs abonnés, sur un pied d’égalité, comme le ferait un ami. Pour lui, être authentique est clé dans cette nouvelle forme de communication qui pourrait potentiellement influencer les résultats des élections de novembre.

Sari Beth Rosenberg, une influenceuse sur Instagram, met en évidence les coulisses de la convention et va à la rencontre des célébrités, mais aussi des délégués locaux et des gens ordinaires. Elle promet à ses abonnés de leur montrer ce qu’ils veulent voir. L’actrice et chanteuse Malynda Hale s’engage également à fournir un contenu authentique à ses plus de 53 000 abonnés.

Selon Thomas Gift, l’authenticité apparente présente des risques car les régulations sont encore incertaines, et il n’y a aucune obligation de divulguer s’ils ont été rémunérés pour leurs publications. Les influenceurs contactés par le Le Monde insistent sur le fait qu’ils n’ont reçu aucune compensation ou directive de la part du parti pour rapporter sur l’événement.
Kory Aversa, mieux connu sous le nom de Philly Publicist par ses 129 000 followers TikTok, a parlé d’un effort financier considérable pour couvrir ses frais d’hôtel et de voyage. Néanmoins, il affirme que l’élection était un moment crucial, et il sentait le besoin d’être présent et d’informer ses followers. Il relate que l’entrée de Joe Biden sur scène a été un moment d’émotion intense qui a fait pleurer la foule. Il admet que les médias traditionnels peuvent rapporter ce moment, comme Le Monde l’a fait en remarquant sa larme à l’œil. Cependant, à travers sa vidéo, il voulait faire vivre le moment à ses followers en pleurant avec lui, ce qui pourrait conduire à un vote similaire en novembre.