L’apparence juvénile de Nathan Hill, accentuée par une houppe dorée sur un visage rond, contraste fortement avec ses 48 ans inscrits sur sa carte d’identité. À l’écoute de cet auteur, on ne peut que noter la fréquence avec laquelle il compare le métier d’écriture à un jeu d’enfant. Lors d’une précédente rencontre en 2017, à l’occasion de la sortie française de son premier roman époustouflant, Les Fantômes du Vieux Pays (publié par Gallimard), il avait fait une analogie entre la joie qu’il ressent en écrivant et celle qu’il ressentait en tant que jeune garçon en lisant les « Livres dont vous êtes le héros ». Il a exprimé avec passion combien il aimait prendre des personnages et voir où les choix successifs les menaient. Selon lui, rédiger un roman revient un peu à jouer ce jeu, mais en tant qu’adulte.
Sept ans plus tard, lors de sa visite à Paris en juin, il a à nouveau utilisé des analogies ludiques pour expliquer sa méthode d’écriture. Il a plaisanté sur la comparaison de son processus créatif à du « slime », cette matière gluante appréciée des enfants qui collecte miettes et poussières au fur et à mesure qu’on la manipule. Pour lui, un roman est une idée floue qui se remplit graduellement en y jouant. Concernant son deuxième ouvrage, Bien-être, qu’il a trouvé aussi réussi que son premier, il pourrait être comparé à un désir qui le hantait depuis longtemps, bien avant la fin de ses études – celui de raconter une histoire d’amour qui s’étend sur une longue durée, avec un couple que l’on retrouve à différentes périodes de leur vie.
Après avoir passé deux ans et demi à promouvoir de manière triomphale la traduction de son ouvrage « Les Fantômes… » dans vingt-six pays et à vivre plusieurs mois d’excitation suite à l’intérêt de Hollywood pour adaptater son livre (qui n’a pas encore abouti), l’auteur a été ramené à sa table de travail par le confinement du printemps 2020. C’est ici qu’il commence métaphoriquement à « pétrir » son slime entre ses doigts, donnant vie aux personnages de Jack et Elizabeth qui sont issus d’une nouvelle écrite dans sa jeunesse et qui prendront place en introduction du roman.
Le rôle de la fiction au sein des couples est un thème central qu’il explore avec fidélité. Il ne prévoit pas d’écrire un autre roman volumineux comme « Les Fantômes… » qui comptait 720 pages compactes. Toutefois, à partir de la notion d’amour, il commence à examiner le rôle que joue la fiction au sein des couples. Parallèlement, la pandémie de Covid-19 a mis en évidence que nous vivons chacun dans nos propres mondes parallèles, soulignant qu’il est presque impossible de s’accorder sur une réalité commune. Bien que le roman se passe avant 2020, cette idée sera également un des thèmes majeurs du roman à venir, au même titre que les réseaux sociaux et leur fonctionnement. Afin de comprendre au mieux ce dernier point, l’auteur explore en détail les brevets publics déposés par les grandes firmes de la Silicon Valley, grâce à son expérience d’ancien étudiant en ingénierie et en biomécanique. Ces études lui permettent de décrypter (et plus tard de restituer avec une incroyable précision) les milliers de pages techniques qu’il examine.
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