Dans le courant du mois de septembre 2023, Rodolphe Saadé avait planifié un séminaire atypique pour ses enfants ainsi que leur trois cousins. Possédant une voix d’acier et un comportement plutôt rigide qui pourrait faire penser à une timidité à première vue – une confusion plutôt malheureuse – rarement il entend un refus. C’est ainsi que les adolescants se sont retrouvés à l’étage le plus haut de la tour de 147 mètres qui porte le nom de leur grand-père, Jacques Saadé, dont Rodolphe est le fils. C’est d’ici qu’ils dominent Marseille et la Méditerranée; un lieu hositant une partie des bureaux de la Compagnie maritime d’affrètement-Compagnie générale maritime (CMA CGM), une compagnie de transport maritime, de logistique et de médias de renom, appartenant à leur famille.
Imaginez ce tableau, digne d’un film à grand budget. Une mise au point initiale sur ces cinq jeunes gens, avec leur insouciance juvénile, enfants privilégiés. Ayant la passion de Marseille jusqu’au tréfonds, les garçons aspirent à être des footballeurs, tandis que les filles viennent juste de commencer leur parcours universitaire. Leur nom est devenu une marque célèbre quasi instantanément, associé à succès et richesse. Cela dit, l’entendue réelle de cet héritage ne leur est pas encore tout à fait claire. Et voici justement sous leurs regards, ce précieux héritage qui leur est dévolu : une vue panoramique sur cette mer bleue infinie et en bas, au pied de ce bâtiment en verre, les docks du port de la Joliette où descendent des dockers, déchargeant d’immenses navires avec ces multitudes de conteneurs colorés, qui stimulent le commerce international et contribuent à la prospérité du clan.
Rodolphe Saadé a organisé cette rencontre familiale particulière dans le but de transmettre à ses descendants l’héritage de la société. Bien qu’étant jeune et puissant, il a tenu à leur faire comprendre que, lorsque le moment sera approprié, l’un d’entre eux devra assumer son rôle, tout comme son père avant lui qui lui avait exprimé : « Un jour, tu prendras ma place, mais tu devras faire preuve d’efforts considérables en amont. » Il lui lançait ainsi un défi, celui de le succéder, voire de le surpasser.
Maintenir l’héritage des ancêtres en vie.
La famille de Rodolphe Saadé, Tanya sa sœur aînée, et Jacques Junior, son cadet, a vu sa fortune augmenter de manière fulgurante du fait de l’explosion des résultats de leur groupe durant la crise du Covid-19 et de l’augmentation décuplée des frais de fret, selon le magazine Challenges. Cela les place désormais dans le top 5 des fortunes françaises. Le chiffre d’affaires de leur entreprise, CMA CGM, a atteint plus de 47 milliards de dollars (43 milliards d’euros) en 2023. Non seulement CMA CGM se classe troisième au niveau mondial dans le secteur du transport maritime, mais il se positionne également cinquième dans le domaine de la logistique, secteur dans lequel la famille n’a commencé à investir qu’en 2019. Employant 160 000 personnes à travers 180 pays, et ayant réalisé des acquisitions dans le domaine des médias, notamment avec La Provence et BFM-TV, le groupe qui autrefois n’était connu que dans la ville portuaire de Marseille et parmi la communauté des armateurs, est désormais considéré comme l’un des joyaux de l’industrie française et un acteur majeur à l’échelle mondiale. Ironiquement, il y a quelques décennies, la bourgeoisie de Marseille désignait cette famille d’origine syro-libanaise par le terme raciste et condescendant de « manouches ».