Mikhail Maratovich Fridman, un copropriétaire d’Alfa Group et dont la fortune est estimée à environ 11,3 milliards d’euros, se trouve parmi les 1 706 Russes affectés par les quatorze paquets de sanctions de l’UE introduits depuis le commencement de l’invasion de l’Ukraine par la Russie en février 2022. Néanmoins, le 10 avril, le Tribunal de l’Union européenne a pris une décision favorable à Fridman. Selon les juges, même si le Conseil européen le décrivait comme un allié du président russe Vladimir Poutine, il serait impossible de déterminer si Fridman avait réellement appuyé les instigateurs de la guerre en Ukraine et de l’annexion de la Crimée.
Fridman compte maintenant entamer une nouvelle étape, forte de ce jugement. Il demande au Grand-Duché de Luxembourg, qui a ratifié et mis en application les sanctions européennes, de lui remettre tous ses biens et une indemnisation financière pour le « dommage irréversible et catastrophique » qu’ont subi ses activités. Le total de sa demande s’élève à 16 milliards de dollars (équivalent à 14,5 milliards d’euros).
Le 14 août, le site EUobserver.com basé à Bruxelles a révélé cette information, qui a ensuite été confirmée au Luxembourg. Le cabinet du premier ministre Luc Frieden, contacté par Le Monde, a succinctement répondu que le gouvernement était en train de revoir la requête de M. Fridman et les prochaines étapes avec ses avocats.
Depuis le début des années 2000, le milliardaire russe avait fait de Luxembourg le centre de son empire, probalement en raison de sa « excellente réputation en termes de protection des actifs », comme l’indiquent ses conseillers dans une proposition d’arbitrage à Hong Kong, qualifiée de « juste et impartiale ».
Aidé par une équipe légale comprenant les juristes d’Omnia Strategy, une firme dirigée par Cherie Blair depuis Londres, et le cabinet Kiejman-Marembert à Paris, le dirigeant d’Alfa (banque et assurance), qui investit également dans les domaines de la télécommunications, de l’énergie et de la gestion de l’eau, insiste pour que le différend soit résolu selon les règles de la Commission des Nations Unies pour le droit commercial international (UNCITRAL). Cet organisme, fondé en 1966, vise à harmoniser et à unifier le droit commercial international.
Cette affaire pose un problème épineux pour le Grand-Duché, dont le PIB en 2023 était de 79,3 milliards. Les conseillers de M. Fridman affirment que le Luxembourg a enfreint les garanties offertes par un accord bilatéral signé avec Moscou en 1989, qui protège également ses investissements dans plusieurs autres pays : le Royaume-Uni où l’entrepreneur réside dans un manoir et où il a établi le fonds d’investissement LetterOne, l’Ukraine, son pays natal, ainsi que l’Allemagne, les Pays-Bas et l’Espagne.
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