Catégories: Actualité
|
21 août 2024 19 h 09 min

« Célébration insistante du vivre-ensemble »

Partager

« Qui a proclamé que notre existence est dominée par la brutalité ? Nos expressions courantes regorgent de gentillesse et de beauté. Le bien a pris la forme du beau. On s’efforce de se souhaiter une « merveilleuse année » chaque janvier, alors que les récits quotidiens de nouvelles sont clôturés avec un « agréable soir ». Quand le commerçant rend la monnaie, il vous souhaite avec enthousiasme une « excellente journée ». Dans un restaurant, un serveur peut prodiguer un « profitez de votre repas » ou un autre peut insinuer un optimiste « bonne continuation ». Quand suivra la distribution de pétales de roses et des feux d’artifice ?

Rien ne vaut un au revoir sans un “à très bientôt”, qui semble beaucoup trop froid. « On se voit très bientôt » traduit un surcroît de sentiment et indique le besoin irrésistible de se retrouver. Comment pourrions-nous nous passer du précieux « ne t’inquiète pas », qui a éclipsé le trop terne « aucun problème » ? Cette ardente considération pour les autres se manifeste également par l’incontournable « cool ». Un mot plein de sérénité qui est devenu la réplique exprimant l’attendrissement aussi bien que la bienveillance, une qualité très estimée de nos jours. Parfois, cela peut atteindre un niveau d’absurdité (« J’ai tellement mal au genou que j’ai décidé de me faire opérer – Ah, c’est cool! »).

Briller telle une pièce neuve. »

Muriel Gilbert, une correctrice reconnue du Monde, s’amuse de la réinvention de l’expression d’approbation dans les conversations courantes. Selon elle, un simple « oui » n’est plus suffisant pour exprimer l’adhésion. A la place, les gens pourraient utiliser des locutions plus longues, ou s’exclamer par un « ouiiiiiii » prolongé, ou même un « yessssss ». Pour ponctuer une conversation, une panoplie de phrases d’approbation est à disposition, allant des traditionnels « absolument » et « tout à fait », au plus effronté « carrément ! », en passant par le surpris « tu m’étonnes ! » ou l’admiratif « trop fort ! ».

Néanmoins, ce zèle vif pour l’harmonie sociale peut irriter certains. Il y a toujours ceux qui critiquent cette effusion d’attention comme étant fausse et idiote, se plaignant d’être dans un univers « Bisounours ». Ils préfèrent une certaine distanciation sociale et ne sont pas du genre à exprimer leurs sentiments de manière évidente, comme en formant un cœur avec leurs mains par exemple.

Lire la suite de l’article demande un abonnement. Seuls 19,94% de l’article sont disponibles pour lecture gratuite.