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20 août 2024 6 h 09 min

« Poutine dénonce une grande provocation Kiev »

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Cette discussion en direct a été animée par Pierre Bouvier, Gabriel Coutagne, Romain Del Bello, Minh Dréan et Solène L’Hénoret. Pour obtenir davantage de détails sur la guerre en Ukraine, consultez tous nos articles, analyses et reportages. Le « Monde » offre également divers reportages, analyses et explications détaillées. Les doutes entourant une guerre de résistance en Ukraine persistent. L’esprit national ukrainien a été boosté par le triomphe olympique des escrimeuses ukrainiennes aux Jeux Olympiques de 2024, qui a ému le Grand Palais. Les réunions quotidiennes du Président Volodymyr Zelensky avec soldats, civils et élus sont également notables. Zelensky avoue que renoncer à des territoires ukrainiens est une décision complexe. Un nouveau challenge pour l’armée ukrainienne est la chasse aux drones russes. A Paris, une Maison de l’Ukraine œuvre à défendre les athlètes touchés par la guerre pendant les JO.

Il existe des préoccupations fréquentes parmi les lecteurs et nous tentons de fournir des réponses à ces interrogations. Un sujet brûlant est l’utilisation de drones par Moscou et Kiev. La guerre des drones entre ces deux pays a atteint un niveau sans précédent depuis quelques mois. Un rapport du think tank britannique sur la défense publié en mai 2023, mentionne que chaque mois, environ 10 000 drones ukrainiens sont perdus sur le champ de bataille, soit en moyenne 300 par jour. En comparaison, l’armée française possède justement un peu plus de 3 000 drones. Les Ukrainiens et les Russes utilisent principalement de petits drones civils économiques et disponibles en abondance pour surveiller le champ de bataille et diriger les troupes ou les tirs d’artillerie. Certains sont même modifiés pour transporter des charges explosives qui sont ensuite larguées sur des tranchées ou des véhicules blindés.

Les drones-kamikazes, bien qu’en nombre réduit, sont un élément crucial de la stratégie militaire. Contrôlés à distance, ces UAV embarquent des explosifs et sont déployés sur le front sans cible prédéfinie. Des modèles russes tels que les Lancet-3 sont utilisés par Moscou, ainsi que les Shahed-136, conçus en Iran. L’Ukraine, dépourvue de navires de guerre conventionnels, riposte en utilisant des petits kayaks sans pilote chargés d’explosifs et manipulés à distance, une astuce audacieuse face à son adversaire.

L’importance des drones pour leurs missions a amené tant les Ukrainiens que les Russes à s’approvisionner massivement en drones civils, tout en développant leurs propres capacités de production. L’industrie ukrainienne, qui balbutiait lors du déclenchement de la guerre du Donbass il y a dix ans, a depuis lors évolué de manière significative. Le ministre ukrainien de la transformation numérique a récemment annoncé la création d’un drone semblable au modèle russe Lancet, qui sera bientôt lancé sous le nom de Peroun, en référence au dieu slave de la foudre et du tonnerre.

Les sanctions occidentales restreignent l’approvisionnement de la Russie en composants électroniques, compliquant sa production de drones. Cependant, selon les agences de renseignement américaines, Moscou aurait entamé la construction d’une usine dans la zone économique spéciale d’Alabouga pour fabriquer des drones-kamikazes iraniens comme le Shahed-136.

Les stocks de missiles russes restent un mystère. Il est extrêmement difficile, voire impossible, de déterminer la quantité exacte dont dispose l’armée russe. Les agences de renseignement ukrainiennes fournissent régulièrement des informations à ce sujet, mais leur fiabilité est incertaine.

D’après Andri Ioussov, qui est le porte-parole de la direction générale du renseignement du ministère de la défense (GUR) et a été cité par Liga.net, l’armée russe possédait 2 300 missiles balistiques ou de croisière avant le début du conflit. Par ailleurs, plus de 900 de ces missiles étaient toujours en sa possession au début de cette année. En plus de ces chiffres, Ioussov ajoute que l’armée russe possède des milliers de missiles antiaériens S-300 avec un champ d’action d’environ 120 kilomètres, ainsi qu’un grand nombre de S-400, une version plus récente avec une portée triplée. En août dernier, Vadym Skibitsky, qui est le deuxième responsable du GUR, a fait état de 585 missiles ayant une portée de plus de 500 kilomètres.

Concernant leurs capacités de production, plusieurs experts estiment que l’armée russe aurait la capacité de produire une centaine de missiles balistiques ou de croisière par mois. En octobre, le GUR a évalué ce chiffre à 115.

La Russie aurait également obtenu des missiles de courte portée en provenance de l’Iran et de la Corée du Nord et continuerait à en acheter. D’après l’agence de presse Reuters, qui s’appuie sur plusieurs sources iraniennes, la Russie aurait reçu 400 missiles iraniens de la gamme Fateh-110 (portée de 300 à 700 kilomètres) depuis janvier, date à laquelle un accord entre les deux pays aurait été établi. On ne sait pas exactement combien de missiles nord-coréens la Russie a acheté, mais entre le 30 décembre 2023 et le 7 février 2024, Andriy Kostin, le procureur général, a indiqué que 24 missiles avaient été tirés en Ukraine. Selon les experts qui ont analysé les restes et les trajectoires de ces missiles, il est probable que ce soient des KN-23 et KN-24 ayant une portée approximative de 400 kilomètres.

En ce qui concerne les avions de combat F-16, aucune information n’a été donnée.

En réponse à une demande à long terme du président ukrainien, les États-Unis ont approuvé, en août 2023, le transfert de jets de combat F-16 à l’Ukraine. Alors que plus de 300 de ces avions sont disponibles dans neuf pays européens, y compris en Belgique, au Danemark, en Grèce, aux Pays-Bas et au Portugal – tous ne sont pas en position d’en donner immédiatement.

Le président ukrainien, Volodymyr Zelensky, a mentionné un soutien de 42 F-16 de la part de ses alliés occidentaux, mais cette affirmation n’a pas été confirmée. Le Danemark a promis 19 de ces jets, les 6 premiers devant être livrés d’ici la fin 2023. Huit autres suivront en 2024 et 5 en 2025, selon la première ministre danoise, Mette Frederiksen. Les Pays-Bas ont également promis de fournir des F-16, avec 42 disponibles, bien que le nombre qu’ils prévoient de donner n’ait pas été spécifié.

De plus, les pilotes ukrainiens doivent recevoir une formation sur ces jets de combat américains. Onze pays alliés de l’Ukraine se sont engagés à former ces pilotes. L’OTAN estime que les soldats ukrainiens ne seront prêts à utiliser ces avions en combat que début 2024, tandis que d’autres experts prévoient une date vers l’été de cette même année.

Enfin, quel type d’aide militaire les alliés de l’Ukraine lui apportent-ils ?

Deux années après le déclenchement d’une guerre à grande échelle, l’appui occidental à Kiev est visiblement en déclin. Entre août 2023 et janvier 2024, les nouvelles assistances ont diminué comparativement à la même période l’année précédente, selon le plus récent rapport de l’Institut Kiel, publié en février 2024. Avec le Sénat américain qui a du mal à approuver des assistances et l’Union européenne (UE) qui a rencontré des obstacles pour adopter une assistance de 50 milliards le 1er février 2024, à cause de l’opposition hongroise, cette tendance pourrait continuer. Ces deux ensembles d’assistance n’ont pas encore été inclus dans le dernier bilan de l’Institut Kiel, qui se termine en janvier 2024.
Les chiffres de cet institut allemand indiquent que le nombre de donateurs se rétracte pour se centraliser autour d’un groupe sur de pays: les États-Unis, l’Allemagne, les pays du nord et de l’est de l’Europe. Ces derniers promettent à la fois une aide financière conséquente et une armement de pointe. En somme, depuis février 2022, les pays soutenant Kiev ont promis au moins 276 milliards d’euros dans les domaines militaire, financier et humanitaire.
En termes absolus, les pays les plus fortunés se sont montrés les plus généreux. Les États-Unis sont incontestablement les donateurs principaux, ayant annoncé plus de 75 milliards d’euros d’assistance, dont 46,3 milliards en aide militaire. Les pays de l’Union européenne ont annoncé des aides bilatérales (64,86 milliards d’euros) et des aides collectives provenant des fonds de l’Union européenne (93,25 milliards d’euros), totalisant ainsi 158,1 milliards d’euros.

Quand on considère ces contributions en relation avec le produit intérieur brut (PIB) de chaque pays donateur, le classement se modifie. Les États-Unis chutent à la vingtième place (0,32 % de leur PIB), loin derrière certaines nations situées à proximité de l’Ukraine ou d’ex-républiques soviétiques alliées. L’Estonie se hisse au premier rang des aides en fonction du PIB à 3,55 %, talonnée par le Danemark (2,41 %) et la Norvège (1,72 %). Le reste du top 5 comprend la Lituanie (1,54 %) et la Lettonie (1,15 %). Les trois États baltes, tous frontaliers avec la Russie ou son associée la Biélorussie, figurent parmi les donateurs les plus généreux depuis le début de la crise.

Dans le classement des contributions en pourcentage du PIB, la France occupe la vingt-septième position, ayant engagé 0,07 % de son PIB, légèrement derrière la Grèce (0,09 %). L’aide apportée par Paris est en baisse constante depuis le commencement de l’invasion de l’Ukraine par la Russie – la France était vingt-quatrième en avril 2023 et treizième à l’été 2022.

Qu’en est-il des tensions à la frontière entre l’Ukraine et la Pologne ?

Il y a quelques mois, l’Ukraine et la Pologne ont connu une période de tensions en raison du transit des grains d’Ukraine. Les voies de solidarité instaurées par la Commission européenne au printemps 2022 pour permettre l’évacuation et la vente des produits agricoles ukrainiens vers le Moyen-Orient et l’Afrique sans la contrainte des droits de douane, n’ont pas suffi pour apaiser la situation. Selon la Fondation Farm qui est un centre d’étude des questions agricoles mondiales, presque la moitié des céréales ukrainiennes ont pour destination finale l’Union européenne.

Cependant, comme ces grains sont vendus à un tarif inférieur par rapport au blé produit dans l’UE, particulièrement dans les pays d’Europe centrale, des pays comme la Slovaquie, la Hongrie, la Bulgarie, la Roumanie et la Pologne ont bloqué leurs importations en avril 2023. Ils justifient cette décision par le fait que ces céréales déstabilisent leur marché local et affectent les revenus de leurs agriculteurs. Bruxelles a approuvé cette mesure à condition qu’elle n’entrave pas le transit vers d’autres pays et ne dure que quatre mois.

À la fin de l’été, alors que l’embargo n’était plus censé être en vigueur, et que, selon les analyses de Bruxelles, il n’y avait plus d’effet de distorsion sur les marchés nationaux des céréales, Varsovie a tout de même refusé de lever la restriction sur les grains ukrainiens. La Pologne considère que le problème principal n’a toujours pas été résolu.

Les manifestants agriculteurs de Pologne ont érigé un barrage à la frontière entre leur pays et l’Ukraine, interdisant l’accès des camions ukrainiens à leur territoire national. Ils sollicitent une interdiction totale des produits agricoles et alimentaires en provenance d’Ukraine. Ils se plaignent de l’augmentation spectaculaire de leurs coûts de production au moment où leurs silos et entrepôts sont surchargés et que les prix baissent. Dès le début de 2024, le président ukrainien interprétait ce blocus à la frontière polonaise comme un signe de  » l’affaiblissement de la solidarité » vis-à-vis de son pays, et sollicitait des discussions avec la Pologne. « Ce ne sont que les Moscovites qui se réjouissent » de ces tensions, a-t-il déclaré, critiquant « l’émergence de slogans clairement favorables à Poutine ».