Un peu plus d’un an après l’énorme coup de théâtre lors des élections législatives du 14 mai 2023, l’entité politique thaïlandaise Kao Klai (signifiant « Progresser »), également identifiée sous son appellation anglaise « Move Forward » et fondée en 2020, a été mise à néant le mercredi 7 août. Cette dissolution est due à la conclusion unanime de la Cour constitutionnelle qui s’est prononcée en faveur de la modification de la loi de lèse-majesté, suscitée par les réformes proposées par le parti et soutenues par ses sympathisants. La Cour, alertée par la commission électorale, a ainsi exprimé son décision.
L’objectif de la campagne électorale du parti, qui était de modifier l’article 112 du code pénal, a été qualifié par le verdict de la Haute Cour comme tentant de « dissocier l’esprit de la nation thaïlandaise de la royauté ». Pita Limjaroenrat, qui a concouru pour le poste de Premier ministre, ainsi que dix autres membres du comité exécutif du parti, ont été rendus inéligibles pendant une décennie et ont été exclus de toute manifestation politique.
Cette décision anticipée prolonge la série de « coups constitutionnels » auxquels l’organe judiciaire suprême, qui s’aligne sur les forces conservatrices, est coutumier. Eugénie Mérieau, chercheuse pour le CNRS en droit constitutionnel comparatif, précise que la Cour agit comme une serrure sur la démocratie thaïlandaise, construite sur l’idée de la sacralité du roi. Pour préserver cette identité constitutionnelle, la Cour a supprimé des partis politiques perçus comme une menace ou contestant ce principe primordial. Malgré tout, « nous continuerons à avancer ».
Les vingt dernières années ont vu une cascade de partis démocratiques subir de nombreux revers, y compris le prédécesseur de Move Forward, le « Future Forward ». Créé dans le contexte de la reprise partielle de la démocratie en 2019 suite au putsch de 2014, celui-ci avait été dissout en 2020 à la suite d’un prêt accordé par son fondateur, Thanathorn Juangroongruangkit, jugé comme une fausse donation. Malgré une popularité grandissante, ce dernier a été exclu de la sphère politique. Les mystères sur l’avenir de la démocratie thaïlandaise sont laissés en suspens si les jeunes politiciens qui cherchent à briser les traditions se retrouvent exclu de la politique, s’interroge le quotidien Bangkok Post dans son éditorial du jeudi 8 août.
Face à cette situation, Move Forward a révélé sa stratégie : les membres du parti qui n’ont pas été bannis seront transférés vers un autre parti qui portera un nouveau nom. Les détails de cette opération seront annoncés le vendredi 9 août. Cependant, au moins onze députés seront perdus, sans mentionner les potentielles défections. « C’est normal d’être attristé aujourd’hui, pendant un jour », a déclaré, sous le coup de l’émotion, lors d’une conférence de presse au siège du parti, Pita Limjaroenrat, le mercredi après-midi. « Mais dès demain, nous allons avancer et exprimer notre mécontentement dans le prochain vote », a-t-il précisé. Âgé de 43 ans et diplômé de Harvard, ce homme politique charismatique fait également partie des personnes bannies de la politique. La prochaine figure de ce « mouvement », comme se nomment ces jeunes réformateurs, devrait être Sirikanya Tansakul, une économiste de 43 ans élue en 2019 et vice-dirigeante du parti.
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