Il y a une expression en anglais : « Cometh the hour, cometh the man » (en français « à l’heure convenue, l’homme apparaît »), dont la source est difficile à tracer précisément — elle semble avoir des racines bibliques, ou pourrait être dérivée d’un adage anglais qui signifie “Tout vient à point à qui sait attendre”. Elle pourrait également être attribuée à des admirateurs de Winston Churchill et résonner à travers l’histoire comme le carillon d’une cloche. Cependant, rarement cette expression a été plus appropriée qu’en juillet dernier, quand Kamala Harris est devenue la candidate présumée à la présidence des Etats-Unis.
À l’heure convenue, la femme apparait.
Ce fut un rebondissement impressionnant. Les démocrates semblaient acculés. La porte était verrouillée. Les fenêtres étaient fermées de l’intérieur. On aurait dit que la nuit était tombée et qu’il n’y avait plus d’issue. Puis, Joe Biden a fait un mouvement pas tant audacieux que nécessaire : il s’est désisté. Tout à coup, la porte s’est ouverte en grand, les rideaux ont été tirés, et Kamala Harris se tenait là, avec une confiance presque digne d’un film, dans un faisceau de lumière qui semblait avoir été créé spécifiquement pour elle. On aurait presque pu entendre l’orchestre démarrateur.
Pourtant, « À l’heure convenue, la femme apparait » ne signifie pas que Kamala Devi Harris a émergé de l’obscurité. Elle a travaillé dur pendant longtemps pour que ce formidable revirement de situation se produise – et ce n’est pas fini.
Des barrières invisibles ont été brisées.
Elle est une dame, une dame de couleur, une dame indienne. Son parcours a été jonché d’obstacles. Elle a lutté pour briser ces barrières invisibles. Elle est montée en grade pour devenir Attorney Générale de Californie, puis sénatrice et maintenant vice-présidente des États-Unis, la femme la plus haut gradée dans l’histoire politique américaine. Il est indéniable qu’elle n’est pas simplement tombée du ciel. [En mai 2023, lors d’une réunion sur l’équité, la vice-présidente avait affirmé : « Vous pensez que vous venez de tomber du ciel ? Vous existez dans le contexte de tout ce que vous vivez et de ce qui est venu avant vous ». Cette phrase a largement circulé sur les réseaux sociaux]
Alors pourquoi avons-nous été choqués de voir Kamala Harris sur le devant de la scène le mois dernier? Une partie de l’explication réside dans la création du mythe, une autre partie dans le fait qu’elle ait choisi de rester à l’arrière-plan de Biden. L’épuisement de l’électorat joue également un rôle. Mais il y a aussi le désir d’un nouveau type de héros américain.
L’immense soulagement qui a suivi sa probable nomination ne doit pas être minimisé : soudain, une demi-nation s’est énergiquement levée, revigorée et stimulée par la caféine. Si Kamala Harris avait accédé à cette position quelques mois plus tôt, cela aurait sûrement pris une tournure différente. Mais tout à coup, le titanesque occupant de la pièce a été déstabilisé. Donald Trump a été stupéfait par sa présence. Il a immédiatement paru vieux, gras, malheureux et grognon. Soudain, il semblait dire « Comment ose-t-elle? » et les démocrates pouvaient instantanément rétorquer : « On t’a eu. »
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