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19 août 2024 13 h 11 min

« En Bangladesh, l’émergence d’une révolution étudiante se fait sentir. »

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Mahmud Asif n’est pas vraiment rompu aux rouages du pouvoir. Le plus jeune membre du gouvernement provisoire bangladais, surnommé « conseiller », a tenu une réception le lundi 12 août, sous une fine pluie de mousson devant la Jamuna State Guest House. C’est désormais le domicile officiel du Premier ministre par intérim, Muhammad Yunus, et le nouveau centre de pouvoir du pays. Peu familiarisé avec le protocole de sécurité, le nouveau venu, drapé dans une élégante kurta bordeaux traditionnelle, n’a pas prit la peine d’inscrire le nom de ses invités à l’entrée du bâtiment. Face à l’étonnement des militaires, il est sorti de l’édifice pour tenir l’interview promise sur le trottoir. Il est âgé de seulement 26 ans et occupe le poste de ministre des sports.

Quelques jours plus tôt, cet étudiant en linguistique défilait dans les rues de Dacca aux côtés de centaines de milliers de ses compatriotes, demandant la démission de la Première ministre, Sheikh Hasina, qui a fini par fuir le 5 août. Depuis, la génération Z a pris le contrôle du pays, de l’administration à la gestion du trafic, après que la police a déserté pendant plusieurs jours. Les lycéens et les étudiants ont assuré la régulation de la circulation et la sécurité des bâtiments publics. Ils ont aussi repeint les murs de Dacca aux couleurs de la révolution pour marquer ce nouvel épisode dans l’histoire de la capitale. Les graffitis rapidement esquissés exigeant le départ de la « dictatrice » ont été recouverts de peinture glorifiant le mouvement.

L’organisation estudiantine Ganatantrik Chhatra Shakti (Force démocratique étudiante), élément clé de la coalition Students Against Discrimination qui a renversé le régime autoritaire du Sheikh Hasina, est née dans l’effervescence du campus universitaire de Dacca. Cette organisation, fondée par Asif Mahmud et ses alliés le 4 octobre 2023, neuf mois avant de grandes protestations, visait à s’opposer aux quotas de recrutement publics et à rompre avec la tendance de la politique de parti qui divise le pays. Leur indépendance vis-à-vis des partis existants est un élément central de leur plateforme.

Dès sa création, cette nouvelle entité politique a été perçue comme une menace par ceux au pouvoir. Akhtar Hossain, président de l’organisation et étudiant en droit charismatique, a été attaqué par la Ligue Chhatra, section étudiante du parti de la Ligue Awami dirigé par Sheikh Hasina, le jour même de la fondation de cette nouvelle force politique. En résultant une dent cassée, cet étudiant de 27 ans déjà surveillé de près par le régime n’en est pas à ses premiers démêlés avec la loi – ayant été arrêté pour ses activités politiques en 2021, 2022 et aussi en juillet de l’année courante. Lui-même se décrit comme le « cerveau du mouvement anti-Hasina », avec un certain amusement et une bonne dose de fierté. Arresté le 17 juillet par la police sur le campus de l’Université de Dacca, il a été libéré le lendemain de la destitution de la « dame de fer ».

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