Hommes d’affaires en tenues formelles et délégations officielles parcourent rapidement le hall, tandis que des touristes s’attardent dans le centre commercial et que des enfants trépignent d’impatience avant de se rendre au cinéma Majestic. L’hôtel Ivoire, majestueusement situé au bord de la lagune, au cœur de l’élégante commune de Cocody à Abidjan, est une destination publique, accueillant à la fois les clients et les passants sans distinction. Il offre un sentiment de familiarité à ses habitués, tandis que les visiteurs se promènent en toute discrétion, presque avec révérence, parmi les colonnes de bronze et les plantes grimpantes.
Cet hôtel gargantuesque, offrant 426 clés, dont 122 ouvrent sur des suites et 32 sur des appartements entièrement équipés, ainsi que quatre restaurants et trois bars, a mérité son surnom de « Village Ivoire ». Il est assez complet pour passer plusieurs jours sans dépendance extérieure, à condition d’avoir les moyens financiers. Le coût d’une nuit commence à 220 euros et atteint jusqu’à 2 680 euros pour la suite présidentielle. Des contrats sont conclus en semaine dans l’une des 18 salles de réunion, tandis que les week-ends sont consacrés à la détente au bord des deux piscines gigantesques aux allures de lac.
Ceux qui ont la chance d’être parmi les plus riches peuvent profiter d’une vue imprenable sur Le Toit d’Abidjan, le restaurant le plus luxueux de l’hôtel. Au 23e étage de la tour, la capitale économique de la Côte d’Ivoire se déploie sous le regard des clients en attente de leurs portions de noix de saint-jacques poêlées ou de cannellonis de homard. Ce lieu est un véritable chef-d’œuvre architectural.
L’Ivoire, un hôtel extraordinaire au design moderniste, agit également comme un reflet de l’histoire du pays, illustrant des époques florissantes ainsi que des périodes tumultueuses. Son existence est le fruit d’une série d’événements qui a commencé en 1963. Lors d’un retour de voyage de la Mauritanie en 1960, le président de la toute nouvelle Côte d’Ivoire indépendante, Félix Houphouët-Boigny, fut forcé de se poser au Libéria à cause de mauvaises conditions météorologiques. Il séjourne alors à l’hôtel Ducor, à Monrovia. Émerveillé et stimulé par ce qu’il a vu, il charge l’architecte israélien d’origine roumaine Moshe Mayer de construire un chef-d’œuvre architectural tout aussi impressionnant dans son pays. Le bâtiment principal de l’Ivoire est inauguré en 1963, et sa tour est terminée six ans plus tard.
Rapidement, l’hôtel devient l’emblème d’une métropole moderne et ouverte sur le monde. Il est le reflet du « miracle économique ivoirien » qui a suivi l’indépendance, et pendant les décennies prospères des années 1960 et 1970, l’Ivoire symbolise un bout d’Occident en Afrique, où il est de rigueur de se montrer. Bien que le casino, le plus grand de l’Afrique de l’Ouest, soit interdit aux Ivoiriens à partir de 1969 par décret présidentiel, le reste du palace devient l’aire de jeu de l’élite locale. On s’y distrait au bowling, on flirte en discothèque, et on découvre les plaisirs de la patinoire, la première sur l’ensemble du continent.
Pour lire la suite de cet article, vous devez être abonné. Il vous reste 62.01% du texte.