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18 août 2024 9 h 09 min

La star du cinéma français, Alain Delon, nous a quittés

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Au cours de l’année 2010, une campagne publicitaire a remis en lumière un visage bien connu de l’année 1968, celui d’un charmant homme brun aux yeux bleus. Ce visage a servi à la promotion d’un parfum, à travers quelques gestes et expressions captivants, libérant des qualificatifs incontournables tels que « félin », « sensuel » et « irrésistible ». À ce moment, Alain Delon avait atteint l’âge de 75 ans. Il était, et reste peut-être, la seule véritable superstar masculine du cinéma français. La campagne publicitaire a mis à profit des images du film « La Piscine », un long-métrage troublant que l’acteur avait tourné en 1968.

« La Piscine » était une oeuvre du réalisateur favori d’Alain Delon, Jacques Deray, révélant à l’écran toutes les différents aspects de l’acteur. Avec son dramatisme troublant, son représentation du luxe et de la décadence, et son mélange entre la vie privée et publique, Delon y figurait avec Romy Schneider, qui était sa partenaire officielle à l’époque. Les scandales ne manquaient pas non plus, comme lorsqu’Alain Delon a dû quitter le tournage à Saint-Tropez pour retourner à Paris et témoigner suite à l’assassinat de son garde du corps, Markovic. L’acteur avait fini par être placé sous surveillance policière lors de cette affaire tumultueuse.

Alain Delon s’est d’abord fait connaître en tant qu’icône plutôt qu’en tant qu’acteur, se distinguant plus par son apparence que par sa personnalité. Il est la pierre angulaire – parfois inconsciemment – de cette construction unique dans le paysage français, qui a souvent éclipsé son travail. Son dévouement au cinéma est inégalé parmi les acteurs. Dès le début de sa carrière, il s’est entièrement donné à René Clément dans Plein soleil (1960), et à Luchino Visconti dans Rocco et ses frères (1961), définissant un rôle (le criminel selon Patricia Highsmith, la figure Dostoïevskienne selon Visconti) qui a souvent été sous-évalué.
Créer de la controverse
En plus de cela, il faut mentionner la contribution d’Alain Delon à la création des films dans lesquels il a joué, pour le meilleur – L’Insoumis (1964) d’Alain Cavalier, Monsieur Klein (1976) de Joseph Losey – et pour le reste. Cependant, le travail de cet artiste a été filtré par l’opinion publique. Un observateur né en 1940 se rappellera de cette étoile montante aux yeux bleus, qui faisait fréquemment les gros titres des tribunaux; né en 1970, on se souviendra de l’agitateur qui clamait son amitié pour Jean-Marie Le Pen aussi bien que son engagement envers la paix en Nouvelle-Calédonie.

Alain Delon a toujours eu plus d’ambitions que de simplement exercer son métier. Qu’il s’agisse de faire les gros titres, de fréquenter les tribunaux, les salles de vente ou les champs de course, partout il revendiquait son statut de star. En 2013, il a suscité la controverse en critiquant le mariage pour tous, malgré son apparition dans le cinéma sous l’égide de Jean-Claude Brialy et Luchino Visconti. Il a ensuite repris le chemin des théâtres de province, jouant chaque soir aux côtés de sa plus jeune fille, Anouchka, un rôle de père de famille qu’il n’a pas toujours assumé en public avec ses fils aînés.
Néanmoins, comment peut-on devenir patriarche après avoir été un enfant mal aimé?
Alain Delon est né le 8 novembre 1935 à Sceaux, dans une banlieue aisée des Hauts-de-Seine, où son père possédait un petit cinéma, le Régina, et sa mère, d’origine corse, travaillait dans une pharmacie. Lorsqu’il a 4 ans, ses parents se séparent et la garde est rapidement confiée à un pensionnat à Issy-les-Moulineaux. Delon a raconté qu’il a été renvoyé plusieurs fois de différents établissements. Dans l’un d’eux, il faisait partie de la chorale qui a reçu la visite d’Angelo Roncalli, le nonce apostolique et futur pape Jean XXIII, qui a félicité le jeune soprano Alain Delon pour son talent.
Il a ensuite quitté pour l’Indochine.

À l’âge de 15 ans, un jeune garçon et son compagnon de classe projettent de s’échapper vers Chicago, mais sont interceptés à Châtellerault, dans la région Vienne. Suite à cet épisode, le garçon est mis en apprentissage avec son beau-père, qui est charcutier à Bourg-la-Reine. Il y acquiert un certificat d’aptitude professionnelle. Mécontent de sa situation, il explore différentes options et, faute de pouvoir intégrer l’aviation immédiatement, il opte pour la marine. À 17 ans, en janvier 1953, Alain Delon signe un contrat de trois ans qu’il prolonge de deux autres pour accompagner ses camarades fusiliers en Indochine où il est déployé.

À son retour à Paris, Alain Delon travaille successivement comme serveur et ouvrier des Halles, tout en passant ses nuits à Pigalle. Il se rappelle avoir vu le film « Touchez pas au grisbi » avec Jean Gabin, à Saïgon. Il admet avoir volé une Jeep sans permission, l’avoir abandonnée dans un fossé et avoir dérobé du matériel. Ces actions le conduisent à passer son 20ème anniversaire en prison. De retour en France en 1956, il se rend à Paris où il travaille à nouveau comme serveur puis à la force des Halles, passant ses nuits à Pigalle. Il parvient à pénétrer dans les cercles germanopratins, séduit l’actrice Brigitte Auber et se lie d’amitié avec Jean-Claude Brialy, qui l’encourage à se rendre à Cannes pour l’édition 1957 du Festival.

Á cette époque, Alain Delon est découvert par Henry Willson, un agent hollywoodien spécialisé dans les beaux acteurs, comme Rock Hudson et Tab Hunter. Willson envoie Delon à Rome pour une audition avec David O. Selznick, qui lui offre un contrat de sept ans à condition qu’il apprenne l’anglais. Delon retourne à Paris et accepte simultanément une offre de Yves Allégret pour jouer un rôle de voyou dans « Quand la femme s’en mêle » (1957). Delon admet qu’il n’était pas très excité par le projet, mais a tout de même accepté pour faire plaisir à Allégret.

Dans la foulée, Delon joue dans plusieurs films moins importants : « Sois belle et tais-toi » (1958), réalisé par Marc Allégret, le frère de Yves ; « Christine » (1958), de Pierre Gaspard-Huit, où il rencontre et tombe amoureux de Romy Schneider ; et « Faibles Femmes » (1959), de Michel Boisrond, qui lui donne son premier grand rôle. C’est à ce moment-là que Georges Beaume, un journaliste, devient son manager, et que l’agent Olga Horstig le présente à Luchino Visconti en 1959. Déjà, Delon s’inquiète de son avenir, résistant à l’image du jeune premier romantique qu’il sait être loin de ce qu’il est vraiment.

L’attention des médias est rapidement captivée par l’allure et le charisme du jeune homme. C’est ainsi que René Clément se résout à confier à Delon le personnage de Ripley dans Plein soleil, une adaptation de l’œuvre de Patricia Highsmith. Le film, réalisé en 1959 avec Maurice Ronet et Marie Laforêt, est une expérience formatrice pour Delon. René Clément, avec sa direction d’acteurs irréprochable, guide Delon à travers la perversité de Tom Ripley, le transformant en un dangereux séducteur.

Son rôle de Rocco, un boxeur qui s’engage à sauver sa famille, est une représentation étonnante. À peine le film fait un impact fracassant à sa sortie début 1960, Delon, qui a charmé le comte italien lors de leur première rencontre, débute le tournage de Rocco et ses frères avec Visconti comme réalisateur. Le rôle de Rocco, l’immigrant du sud qui arrive à Milan avec sa famille, pose un défi encore plus grand que celui de Ripley. Delon est entouré d’une équipe de casting remarquable (Renato Salvatori, Annie Girardot, Claudia Cardinale) et se voit attribuer le rôle d’un paysan déplacé, très différent de sa propre expérience. Pourtant, il réussit grâce à sa détermination et sa créativité. Son Rocco, qui resilie pour la rédemption de sa famille, est une performance époustouflante. Le film, présenté à Venise, remporte le Lion d’argent et confirme la réputation internationale de sa jeune vedette.

Théâtre et comédies sont également des domaines où Delon excelle.

Après son retour à Paris, il s’élance immédiatement sur la scène de théâtre, toujours sous la tutelle de Visconti. En 1961, il joue dans « Dommage qu’elle soit une putain » au Théâtre Marigny avec Romy Schneider, sa partenaire et amie depuis le film Christine. Les critiques sont mitigées et Bertrand Poirot-Delpech du Monde signale leur « manque d’aptitudes évident masqué par leurs contorsions nerveuses » tout en louant leur beauté.

Delon se dirige ensuite vers l’un de ses rares films de comédie, Quelle joie de vivre (1961), réalisé par René Clément. Il apparaît également dans un sketch des Amours célèbres, où il partage l’écran avec Brigitte Bardot. David Lean envisage de lui confier le rôle du prince Ali dans Lawrence d’Arabie, mais même s’il est finalement donné à Omar Sharif, Delon n’est pas déçu. Antonioni lui propose de jouer aux côtés de Monica Vitti dans L’Eclipse, qui est présenté à Cannes en 1962. Delon s’est souvenu de cette collaboration avec Antonioni comme d’un rôle peu enthousiasmant mais d’une occasion précieuse de travailler avec ce réalisateur et de s’imprégner de son œuvre.

Il n’est probablement pas surprenant que ces premières années de carrière lui aient conféré une notoriété durable au Japon, qu’il visite pour la première fois en 1963 en tant que futur acteur principal du Samouraï. Ses films sont non seulement un succès là-bas, mais il peut désormais compter sur sa popularité au Japon pour lui fournir un revenu stable grâce à l’utilisation de son image dans de nombreuses publicités.

La consécration avec « Le Guépard ».

Dans le printemps de 1963, juste avant la présentation du Guépard à Cannes, le film Mélodie en sous-sol de Henri Verneuil a vu le jour, dans lequel Delon partage l’affiche avec Gabin, son idole depuis Touchez pas au grisbi. C’est à ce moment qu’il commence à se transformer en un pilier du cinéma grand public français. Le Guépard triomphe, où Delon incarne Tancrède, un personnage qui croit que « tout doit changer afin que rien ne change ». En compagnie de Burt Lancaster (qui joue son oncle, le vieux prince) et Claudia Cardinale (la femme du peuple qu’il souhaite épouser pour l’amour et aussi pour le calcul), Delon joue un rôle essentiel dans la victoire du film, qui devient rapidement un classique du cinéma, récompensé par une Palme d’or.

Nous sommes en 1964 mais Delon ne recule pas devant l’opportunité de jouer le rôle d’un soldat de l’OAS égaré qui kidnappe une avocate sympathisante du FLN. Ensuite, il joue dans Les Félins, sous la direction de Rene Clément, avec Jane Fonda, avant de produire un film courageux, L’Insoumis, d’Alain Cavalier. Delon n’a montré aucune hésitation à jouer ce rôle, même si la guerre d’Algérie ne s’est terminée que deux ans plus tôt. Cavalier a déclaré : « Je n’ai pas réalisé L’Insoumis sur l’Histoire ou l’Algérie, mais parce que je voulais faire un film avec Delon. En discutant avec lui, il m’a parlé de sa vie, et la période la plus fascinante pour moi était les trois années incertaines qu’il a passées en Indochine. »

A la sortie de L’Insoumis, un film amputé de près de vingt minutes à cause d’un procès, le public l’accueille avec indifférence. Henri Langlois, le directeur de la Cinémathèque, avait organisé quelques mois plus tôt, en mars, une rétrospective d’Alain Delon qui a placé sur cet acteur de 29 ans, un fardeau de gloire considérable.

Durant cette periode, Delon se sépare de Romy Schneider et essaie de s’adapter à la vie Hollywoodienne avec son épouse Nathalie et leur fils nouvellement né, Anthony. Il lutte pour s’établir dans ce nouvel environnement et bien que des discussions aient eu lieu pour lui permettre de jouer dans une adaptation de Chéri de Colette, d’abord avec George Cukor puis avec Tony Richardson, il se retrouve finalement dans des films moins prestigieux tels que « Tueurs de San Francisco » de Ralph Nelson, « Texas Across The River » de Michael Gordon avec Dean Martin, et « Les Centurions » de Mark Robson, un film anti-guerre d’Algérie, basé sur le livre de Jean Lartéguy. En 1966, il retourne en France pour incarner Jacques Chaban-Delmas dans « Paris brûle-t-il ? », un film de René Clément.

En 1967, Jean-Pierre Melville visite les Delon, portant avec lui un scénario. Melville raconte plus tard que Delon a interrompu la lecture en disant : « Vous lisez votre scénario depuis sept minutes, et il n’y a pas encore une once de dialogue. C’est assez pour moi. Je ferai ce film. Quel est son titre ? » C’est ainsi qu’Alain Delon devient Jeff Costello, surnommé ‘Le Samouraï’, un tueur solitaire à la limite de la schizophrénie.

Alain Delon a travaillé avec Melville sur deux autres films, Le Cercle rouge (1970) et Un flic (1972), ce dernier étant le dernier film de Melville avant sa mort l’année suivante. Le Cercle rouge jouit d’un énorme succès auprès du public, tout comme Le Samouraï, tandis que Un flic est considéré comme un échec. Delon a profité de ces films pour créer un personnage solitaire, que ce soit un policier ou un criminel, qui emploie une violence froide et indifférente qui attire presque par accident. Il a exploité ce style sous la direction de réalisateurs moins renommés que Melville, notamment Deray, José Giovanni et José Pinheiro.

Pendant l’agitation de mai 68, Delon se produit sur scène dans la pièce Les Yeux crevés de Jean Cau. Bien qu’il ait soutenu Henri Langlois dans le conflit qui l’opposait à André Malraux, le ministre de la culture de l’époque, Delon n’éprouve aucune sympathie pour les étudiants ou les grévistes. Il essaie de maintenir sa pièce en représentation jusqu’à ce que son théâtre soit fermé. Avec les acteurs Raymond Gérôme et Jacques Dacqmine, il crée alors une union professionnelle éphémère du spectacle, nommée l’Affaire Markovic.

Nous sommes seulement au printemps, mais l’année n’est pas encore terminée pour Alain Delon. Le premier octobre, le corps de Stefan Markovic, ancien garde du corps de Alain et Nathalie Delon ainsi que leur secrétaire, fut découvert à la décharge d’Elancourt dans les Yvelines. L’enquête révèle que ce criminel yougoslave, qui avait été recueilli par le couple à sa sortie de prison, avait rédigé des lettres à son frère resté à Belgrade peu avant sa mort. Dans ces lettres, il indiquait que si quelque chose lui arrivait, il faudrait « chercher vers A.D. » et vers François Marcantoni, un ancien résistant, figure connue du milieu parisien et ami de l’acteur.
Alain Delon se retrouve mêlé à cette querelle interne au camp gaulliste, qui finira par un non-lieu en faveur de Marcantoni.
Alain Delon, qui a été convoqué à plusieurs reprises par le juge d’instruction et placé en garde à vue, se bat vigoureusement, surtout que l’affaire prend une tournure politique. Des photos prétendument prises lors de fêtes organisées par Markovic commencent à arriver dans les rédactions. Une rumeur soigneusement propagée suggère que la femme de Georges Pompidou, l’ancien premier ministre, y est visible. Alain Delon est impliqué dans ce conflit interne au camp gaulliste, qui se terminera par un non-lieu pour Marcantoni, malgré les fortes suspicions qui pèsent sur lui.

Delon choisit de rester sous les projecteurs, alternant entre se faire voir aux premières de ses films et faire des apparitions spectaculaires au quai des Orfèvres. Il sait faire sentir sa présence, que ce soit dans les salles d’enchères ou sur les champs de course. En juillet 1969, il se porte acquéreur d’un des derniers dessins de Dürer disponibles sur le marché pour 700 000 francs, marquant ainsi le début de sa collection. Sa collection commence par des dessins, principalement de l’art dix-neuviémiste français comme Millet et Géricault, avant de s’étendre aux Fauves et aux modernes sculpteurs animaliers, Bugatti étant en tête de liste. Delon est un acheteur instinctif (« j’ai toujours acheté par passion, jamais comme un investissement », déclare-t-il), et il dispersera la majeure partie de sa collection dans les années 1990.

Outre ses activités de collectionneur, Delon est aussi promoteur de matchs de boxe, organisant des combats pour le titre mondial des poids moyens. En 1970, à Deauville, il fait l’acquisition d’un poulain pour la moitié du coût de son dessin de Dürer. Son écurie a connu des succès, mais cette entreprise s’est aussi terminée au tribunal en 1978, quand son entraîneur choisi, Pierre-Désiré Allaire, a été impliqué dans une affaire de paris truqués. Il a organisé des matchs entre Jean-Claude Bouttier, décédé le 3 août 2019, et Carlos Monzon (1972 et 1973) ainsi qu’entre Monzon et Jose Napoles (1974), à Paris et Puteaux. Le deuxième match a rapporté 6 millions de francs, un succès financier.

Dans les années 1970, Alain Delon, en tant qu’homme d’affaires, lance la production de Borsalino. Ce film s’inspire d’un livre sur les criminels marseillais Carbone et Spirito qui ont fait des dégâts dans les années 1930. L’intrigue du film s’appuie sur l’attrait rétro, similaire à celui de Bonnie et Clyde, qui s’était développé quelques années auparavant aux États-Unis. Delon réussit à convaincre Belmondo, son concurrent, de figurer avec lui sur l’affiche, ce qui attire près de 5 millions de spectateurs malgré un film réalisé par Jacques Deray qui était efficace mais pas très inspiré.

Cependant, Belmondo se met en colère, car selon son contrat, son nom devait apparaitre en premier sur l’affiche. Bien que cela soit vrai pour l’ordre de présentation des acteurs, le nom du producteur, « Alain Delon présente », apparaît au-dessus. Cela amène Belmondo à porter plainte. Face à cette situation, Delon déclare dans le New York Times que c’est une « réaction féminine ». Il aborde également l’affaire Markovic dans le même entretien, expliquant qu’étant corse (par sa mère), il respecte l’honneur et la parole donnée sans se soucier des actes de ses amis.

Le succès de Borsalino au box-office permet à Delon en tant que producteur d’engendrer une série de films noirs comme Borsalino and Co, Flic Story, Le Gang, Trois Hommes à abattre, Pour la peau d’un flic, Le Choc, Ne réveillez pas un flic qui dort, qui ont dominé les écrans jusqu’au début du 21ème siècle. Cependant, cette riche production ne devrait pas masquer le côté plus audacieux de sa filmographie.

En 1971, il se lance dans la comédie avec le film Doucement les basses dirigé par Deray, bien que sans remporter beaucoup de succès. Il joue ensuite dans Le Professeur, sous la direction de Valerio Zurlini, incarnant le rôle d’un homme décadent. Ses travaux incluent aussi des œuvres singulières telles que Soleil rouge (1971, un western cosmopolite réalisé par Terence Young avec Toshiro Mifune comme co-star) et aussi un Zorro de bas étage réalisé par Duccio Tessari en 1975 pour faire plaisir à son fils, alors âgé de 10 ans.

Il a aussi participé à des films atypiques. En particulier, en 1976, il flirte avec Joseph Losey qui lutte pour mener à bien la production de Monsieur Klein. Quatre ans plus tôt, il était à l’affiche du film L’Assassinat de Trotski, dirigé par le vieux réfugié américain, où il interprétait le rôle du soviétique Ramon Mercader, chargé d’éliminer le leader révolutionnaire joué par Richard Burton. Malgré la performance fascinante de Delon, mettant en vedette un personnage à la fois opaque et abject, le film n’a pas été un succès. Cette fois-ci, il doit jouer un homme solitaire et agressif qui par un homonyme se retrouve plongé dans les rouages de la machine exterminatrice nazie.

« J’étais conscient dès le début que je perdrais tous mes revenus avec ‘Monsieur Klein' », a-t-il avoué.

Vingt-cinq ans plus tard, un acteur se souvient d’un film conçu par un italien et dirigé par un réalisateur américain exclu. Il fait remarquer que c’est une chance pour Joseph Losey d’avoir mis en scène le chef-d’oeuvre « Monsieur Klein » et pour lui-même d’avoir eu l’opportunité de le produire. Il reconnaît que « Monsieur Klein » demeure une œuvre emblématique, bien qu’il ait attiré seulement 200 000 spectateurs à Paris. Dès le départ, l’acteur était conscient qu’il allait faire face à des pertes financières avec ce film. Il convenait qu’il devait utiliser les fonds générés par « Flic Story » pour alimenter « Monsieur Klein ». Il raconte qu’il faisait des films comme « Flic Story » ou « Parole de flic » sans beaucoup se concentrer, tandis que travailler pour « Monsieur Klein » necessitait plus d’attention et de préparation. Si pour donner un coup de pied dans une porte et tirer avec un révolver il n’avait pas besoin de concentration particulière, ce n’était pas le cas pour « Monsieur Klein ».

Cette clairvoyance révèle en fait plus sur la partie finale de la carrière d’Alain Delon que ne le ferait justement l’examen de sa filmographie. Toujours, là où se dressent des suites de « flic stories », il y introduit des films étranges et spectaculaires, pas toujours avec succès : « Un amour de Swann » (1984), de Volker Schlöndorff. À sa sortie, la critique s’est insurgée contre cette trahison de Proust mais a salué quand même la performance de Delon. Il y a eu aussi « Le Passage » (1986), de René Manzor, mêlant animation et prises de vues réelles. Le nec plus ultra de l’étrange a été atteint avec « Le Jour et la Nuit », de Bernard-Henri Lévy, présenté au Festival de Berlin en février 1997. Ce film a gravé le nom de son acteur dans le marbre des pires navets jamais produits. C’était un échec commercial, pourtant il a reçu un César.

Alain Delon, acteur français, a toujours cherché à influencer ses projets cinématographiques avec les événements de sa vie personnelle. Notamment, dans les années 1980, Anne Parillaud a repris le rôle autrefois joué par Mireille Darc à la fois à l’écran et dans la vie réelle de Delon. Il s’implique même en dirigeant le film « Pour la peau d’un flic », une adaptation controversée du roman de Jean-Patrick Manchette. Après ce projet, il s’associe à Fajardie pour carburant à l’industrie Delon, qui met en lumière la lutte de son héros contre le groupe Fidélité de la police, dépeint vivement dans « Ne réveillez pas un flic qui dort ».

En termes de politique, Delon s’efforce constamment de se positionner comme un homme de droite. Ceci est évident lorsque, en 1984, il affirme son amitié avec Jean-Marie Le Pen et décrit la rivalité entre Giscard et Chirac comme une «dispute de femmes». En 1986, Delon reçoit le titre de commandeur des arts et des lettres de Jack Lang, qui a récemment été destitué après des élections. Peu de temps avant ces élections, l’ancien ministre avait élevé le statut de Delon, une faveur que Delon a voulu rendre en présence de Le Pen. De plus, Delon s’implique dans la campagne présidentielle de Raymond Barre en 1988 et soutient par la suite le oui au référendum sur les accords de Matignon concernant la Nouvelle-Calédonie.

Il ne reste à Alain Delon que deux grandes rencontres du cinéma. En 1985, il décide de participer au film Notre Histoire, dirigé par Bertrand Blier, à la demande de Nathalie Baye, sa co-actrice. Il prend le rôle d’un homme de banlieue qui est abêti par l’alcoolisme et la monotonie. Malgré l’indifférence initiale du comité de sélection du Festival de Cannes, rejetée par Delon avec des invectives, le film fait face à un échec retentissant auprès du public. En conséquence, Delon boycotte la cérémonie des Césars au début de 1986 malgré sa nomination et ne peut se réjouir de sa consécration comme meilleur acteur devant les caméras de télévision.
« C’est parce que vous êtes Godard… »
Cinq ans plus tard, en 1990, Delon revient à Cannes. L’année précédente, il avait approché le producteur Alain Sarde, espérant qu’il lui offrirait un projet pouvant redorer sa réputation d’acteur. Sarde le présente à Jean-Luc Godard, qui venait de diriger Johnny Hallyday dans le film Détective. Delon est d’accord et dit : « Parce que vous êtes Godard et moi, je suis Delon ».
« J’étais parfois un peu perplexe, mais j’ai surmonté ma résistance, sinon le film n’aurait pas été réalisé ».

Au cours de son travail sur le plateau, Delon s’est soumis aux volontés du réalisateur. « Il y a eu des moments où je me sentais déstabilisé, mais j’ai dû surmonter cette sensation, sinon le film n’aurait jamais abouti », raconte-t-il dans une interview pour Libération. Le produit fini est à la fois somptueux et déroutant, mais « Nouvelle Vague » (1990), est, au final, sélectionné pour la compétition à Cannes. Delon fait son entrée en hélicoptère, apparaissant aux côtés de l’étoile de la danse, Patrick Dupond, qui sera son collègue sur le plateau de Dancing Machine, prévu pour novembre 1990. Même si le film n’a pas gagné de prix, il met en lumière une autre facette de Delon, celle d’un personnage fragile et vieillissant, auquel on demande : « Que fais-tu ? – Je fais pitié ».

Deux années plus tard, Delon revient à Cannes, cette fois avec Le Retour de Casanova d’Edouard Niermans. C’est un film d’époque qui n’éveille pas beaucoup d’intérêt. Il reste encore quelques films policiers à venir, Un crime (1993) et L’Ours en peluche (1994), ses deux dernières collaborations avec son fidèle ami Jacques Deray et, enfin, Une chance sur deux, tentative ratée de revivifier le duo de Borsalino avec Belmondo sortie en 1998. Le film est un désastre total, poussant Delon à annoncer son retrait usiversal du monde du cinéma. Il maintient en grande partie sa promesse, ne faisant que quelques apparitions dans Les Acteurs de Bertrand Blier en 2000 et Astérix aux Jeux olympiques en 2008 en tant que Jules César narcissique.

Il a aussi connu le succès à la télévision.

Après avoir dépeint Fabio Montale, le célèbre personnage des romans de l’auteur marseillais Jean-Claude Izzo, il fait une apparition sur le petit écran. Sa participation à cette série a créé une grande controverse parmi les fans d’Izzo, un éminent figure de la gauche. Pour atténuer leur colère, il affirme que Izzo aurait été ravi de le voir jouer. La série, diffusée début 2002 sur TF1, connaît un succès retentissant avec 12,5 millions de spectateurs.

Il introduit ensuite sa fille Anouchka dans une adaptation du Lion de Kessel à la télévision, avant de retourner à des rôles de policier en 2003-2004. Cette fois, il interprète Frank Riva, un autre policier solitaire, pour le service public. Le succès est relatif, n’atteignant pas les attentes de Delon, qui souhaitait surpasser Christian Clavier dans son rôle de Napoléon. Il annonce ensuite sa retraite de la télévision.

Delon fait son comeback sur scène en 1996 dans les Variations énigmatiques d’Eric-Emmanuel Schmitt, aux côtés de Francis Huster. En 2011, il monte sur scène avec sa fille Anouchka dans Une journée ordinaire, une pièce écrite spécialement pour eux par Eric Assous. Le spectacle continue en tournée jusqu’à la fin de 2013. On peut aussi voir Delon apparaître dans des publicités pour des lunettes de vue, présider un concours de Miss France ou participer à des talk-shows. Ce personnage sombre détonne fréquemment dans ces contextes normaux pour lui. Il revient finalement à ses origines à travers une campagne de publicité pour un parfum, réaffirmant son statut légendaire.

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