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18 août 2024 12 h 09 min

« Décès d’Alain Delon: Ambivalence Homme-Acteur »

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Alain Delon, en contraste avec l’exubérant Jean-Paul Belmondo, a toujours représenté le silence, l’auto-isolement. Lors de la sortie de L’Insoumis (1964) d’Alain Cavalier, François Mauriac avait fait cette remarque sarcastique dans Le Figaro littéraire : « Il n’est jamais plus éloquent que lorsqu’il se tait ». On peut se demander si ce peu de mots était le prix à payer pour un charme corporel et brutal qui n’a pas besoin de mots pour s’exprimer. Était-ce une rupture avec une tradition typiquement française axée sur l’amour du langage et de la rhétorique ? Le signe d’un secret inavoué à défendre ? Mais quel secret ? Peut-être celui de l’ambivalence subtile de l’acteur, qui le définit le mieux, en tant qu’homme et acteur, et qui provoque la confusion qu’il suscite.

Cette confusion, elle est entendue qu’il faut cacher les chocs dont elle procède. La grande art et le commerce vil. La grâce et la violence. L’angelisme et la turpitude. La féminité et la virilité. Les femmes régulières et les maîtresses. Le flic et le voyou. Les actes progressistes et l’idéologie réactionnaire. Il y a trop de scandale à ce que tout cela tienne ensemble. Le signe du double, marqué comme une infamie désirable à l’avant-poste de sa carrière, arrive pourtant très tôt, avec la succession de Gérard Philipe. Les dates sont frappantes. Idole du cinéma français des années 1950, incarnation d’une tradition idéalisée, le doux et romantique Philipe succombe à un cancer en 1959. L’année précédente, Delon décroche son premier rôle principal dans Christine, de Pierre Gaspard-Huit, un remake moyennement réussi du Liebelei, de Max Ophuls, où il incarne un jeune lieutenant amoureux au destin tragique.

Il y a une certaine similitude entre le rôle joué par Gérard Philipe, une des icônes du cinéma français, dans son film à succès ‘Les Grandes Manœuvres’ (1955) réalisé par René Clair, et le personnage que Delon incarne. Les deux acteurs ont été réunis par Christian-Jaque, qui a dirigé ‘Fanfan la Tulipe’ (1952) avec Philipe et ‘La Tulipe noire’ (1964) avec Delon, ce dernier jouant le rôle de jumeaux aristocratiques luttant pour la justice avant la Révolution française. Cependant, tout en empruntant sa place dans le coeur du public, Delon se distingue davantage par sa différence avec Philipe. Il est un usurpateur à la fois ambigu et élégant. Cet article se poursuit, mais le reste est accessible seulement aux abonnés.