La résonance du bruit des machines de terrassement se fait entendre à travers la vallée. Au centre du petit village de La Bérarde dans l’Isère, une machine déplace des tonnes de pierres montées sur une pile de roches. Il est possible de distinguer le toit d’une maison, enfoui sous des rochers. D’une manière quasi miraculeuse, une groupe compact de dix maisons surgit. Certaines semblent être restées en parfait état tandis que d’autres exposent rudement un salon ou une chambre déchirés par les conditions météorologiques du 21 juin. Sur une période de deux jours, de fortes pluies, combinées à une fusion soudaine de neige et à la purge d’un lac formé sur le glacier de Bonne-Pierre, ont déversé 200 000 mètres cubes d’eau et 350 000 mètres cubes de roches sur le hameau de la commune de Saint-Christophe-en-Oisans, heureusement sans victime.
De nombreuses semaines après le désastre, l’entrée sur le site est constamment prohibée, à l’exception des détenteurs des biens immobiliers, et l’incursion dans les demeures est formellement réfutée. Malgré la prohibition, Cyrille Tairraz, à l’image de quelques autres migrants, s’est empressé de pénétrer dans son chalet, partiellement submergé et érigé dans l’enceinte du petit village, dès qu’il en a reçu l’autorisation. Les fondations ont été épargnées, en dépit du fait que l’édifice est encerclé de massifs rochers, mais à l’intérieur, les gravats et le sable ont revêti le rez-de-chaussée, du plancher au plafond. « Nous devons nous hâter, car, si la construction traverse l’hiver en cet état, l’humidité couplée au gel causera sa complète démolition », factise-t-il, sous la semi-obscurité de la salle à manger. Son voisin, Wim Maginelle, un résident Belge, de La Bérarde ayant acquis une maison depuis une quinzaine d’années, l’assiste dans le déblaiement, grâce à une vaste brouette : « Ma maison a uniquement été submergée. C’est sa demeure qui a salvé la mienne, donc j’offre mon assistance de la meilleure manière possible. »
Tout comme les individus dont les logis ont subsisté, Cyrille Tairraz anticipe que l’admission au petit village sera de nouveau permise au plus tôt, non seulement pour sa profession économique, son chalet étant subdivisé en un nombre séquentiel d’appartements en location, mais également pour des considérations émotionnelles fortement ressenties par les propriétaires de La Bérarde. « Cette demeure, autrefois une auberge que mes grands-parents avaient acquise, abrite toute mon existence. Si l’interdiction d’y résider pendant l’hiver n’était pas en vigueur, nous souhaiterions y demeurer tout au long de l’année », révèle Cyrille Tairraz. « On nous a fait comprendre : ‘Vous êtes chanceux, il s’agit uniquement de résidences secondaires.’ Entendre ces paroles, c’est difficile », déclare-t-il, visiblement ému.
Dans les jours suivant l’apogée des conditions météorologiques extrêmes, d’autres dommages matériels ont eu lieu. La célèbre chapelle Notre-Dame-des-Neiges, érigée en 1892, a finalement été complètement anéantie après avoir été initialement fendue en deux lors des premiers moments du désastre. Plusieurs autres constructions ont subi le même sort, emportées par le torrent déchaîné des Etançons, dont le lit a débordé bien au delà de son bassin de déjection traditionnel, soit l’endroit où celui-ci dépose normalement ses sédiments à son arrivée dans la vallée. La préfecture de l’Isère a indiqué qu’au moins douze des cinquante bâtiments du village ont été complètement détruits, tandis que huit autres ont été ensevelis.
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