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« Vila-Matas: L’amour, l’écriture donnent sens »

Voici où vous pouvez retrouver tous les épisodes de la série « Les auteurs discutent de leur métier ».
Lorsqu’on commence la lecture d’un livre d’Enrique Vila-Matas, on s’engage dans une aventure étourdissante qui nous mène au coeur du processus de création littéraire, et on finit par ressentir une joie pure, sans aucune autre assurance. Né à Barcelone en 1948, cet auteur polyvalent est à la fois essayiste, romancier et nouvelliste. Il joue librement avec les genres sans faire de distinction, créant des œuvres pleines d’humour qui résonnent avec celles de Laurence Sterne, Robert Musil, Franz Kafka ou Jorge Luis Borges.
Depuis le début de sa carrière, ses ouvrages interagissent principalement avec leurs lecteurs, les invitant à un jeu où se chevauchent le vrai et l’imaginaire. C’est le cas de son premier grand succès, « Résumé d’histoire de la littérature portative » (1985 ; éd. Christian Bourgois, 1990). Ses écrits expriment également sa peur du silence et du néant (Bartleby et compagnie, Le Mal de Montano, Docteur Pasavento, éd. Christian Bourgois, 2002, 2003 et 2006) et questionnent la mince limite entre la vie et la littérature, comme dans Montevideo, son dernier livre à ce jour (Actes Sud, 2023).
On l’interviewe par visioconférence, depuis le bureau de son agent à Barcelone, où il réside toujours. Il parle rapidement, très rapidement, et s’égare dans d’agréables digressions. Malgré ses quatre projets d’écriture en cours et un repas d’affaires, il prend le temps de nous donner un aperçu de son « atelier d’écrivain ».
Son premier livre, « Mujer en el espejo contemplando el paisaje » (« Femme au miroir contemplant le paysage », non traduit), a été écrit en 1971. Comment préfigurait-il votre œuvre future ? »

Contrairement à mon deuxième ouvrage « La Lecture Assassine » (1977 ; Passage du Nord-Ouest, 2002), je ne trouve pas beaucoup de moi-même dans ce texte. En fait, il a été rédigé pendant mon service militaire à Melilla (une enclave espagnole au nord-est du Maroc), non pas dans l’optique d’être publié, mais plutôt pour occuper mon temps. Avant cela, j’avais fait paraitre en espagnol des interviews complètement imaginaires avec des personnalités célèbres comme Marlon Brando, Rudolf Nureyev, Patricia Highsmith, etc. C’est par le biais du journalisme que je me suis intéressé à la fiction.

On pourrait penser que mon ambition première était de devenir réalisateur de films. Pourtant, j’ai toujours été un écrivain. Mon tout premier ouvrage, un mélange d’histoires et de dessins, a été écrit à 5 ans – ma famille l’a toujours conservé. J’ai ensuite rédigé un roman policier à 14 ans. Le cinéma m’a ébloui, car je fais partie d’une génération d’Espagnols qui a grandi en le considérant comme un art. J’étais plutôt attiré par le « nouveau cinéma » de Philippe Garrel, et non par la Nouvelle Vague. Cependant, les films que je cherchais à réaliser étaient impensables dans l’Espagne de l’époque.

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