Les missions spatiales humanitaires ont été menées sans interruption pendant plus de 20 ans, faisant oublier la vulnérabilité inhérente à ce secteur, où le moindre problème risque de coûter des vies humaines. Les difficultés rencontrées par le Starliner, la nouvelle capsule de Boeing, pendant son premier vol d’essai habité au cours des deux derniers mois, ont servi de rappel à cette cruelle réalité pour le constructeur américain et la NASA.
Lancé le 5 juin avec les astronautes Barry « Butch » Wilmore et Sunita Williams pour une mission qui devait durer entre huit et dix jours, le Starliner est toujours attaché à la Station spatiale internationale (ISS) deux mois après. L’incidence des fuites mineures d’hélium et le dysfonctionnement de certains des 28 propulseurs destinés à la direction précise du vaisseau génèrent des préoccupations quant à l’amarrage et le vol de retour. Le 7 août, lors d’une conférence de presse, la NASA a reconnu que les deux astronautes étaient actuellement piégés à l’ISS et qu’elle envisageait différentes solutions pour les ramener sur Terre.
Pour comprendre les détails et les implications de cette aventure, il est nécessaire de remonter aux années 2000. À la suite de la destruction du vol de la navette Columbia et la mort des sept passagers, le 1er février 2003, la NASA a décidé de retirer progressivement ses navettes en raison de leur coût élevé et de leur vieillesse, une opération achevée en 2011. Pour maintenir l’accès à l’ISS, la NASA a opté pour le secteur privé pour la conception des véhicules de transport, qu’ils soient destinés à l’équipage ou au ravitaillement. SpaceX et Boeing ont été choisis pour les capsules habitées.
Initiée pendant le deuxième mandat de George W. Bush (2004-2008), cette transformation profonde de la direction a été maintenue et renforcée par le gouvernement Obama. En résumé, la NASA devient un commanditaire, initiant des appels d’offres auxquels des fournisseurs souscrivent. Les deux candidats sélectionnés pour les capsules avec équipage sont SpaceX, l’entreprise d’Elon Musk, avec son Crew Dragon, une version améliorée de son vaisseau Dragon de fret, et Boeing avec le Starliner. Il s’agit donc d’une startup qui aspire à – et finira par – révolutionner l’industrie et d’une entreprise établie.
Néanmoins, comme c’est souvent le cas dans l’industrie spatiale, les retards s’empilent pour les deux programmes. Théoriquement, le premier vol habité du Starliner était censé avoir lieu… en 2017. Ce retard est dû en partie au fait que les Américains n’ont pas construit de capsule depuis le programme Apollo et que les normes de sécurité ont été revues à la hausse. Ainsi, pendant près d’une décennie, les États-Unis ont dû faire face à l’embarras de ne disposer d’aucun vaisseau capable d’envoyer des êtres humains en orbite et de devoir, pour ce faire, acheter aux Russes des places dans leurs capsules Soyouz, certes anciennes mais extrêmement fiables.
Il reste 63.7% de cet article à lire, la suite est réservée aux abonnés.