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14 août 2024 21 h 11 min

« Tirailleurs de Père en Fils Dieng »

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« « Cela se passait il y a sept décennies», se souvient N’Dongo Dieng, l’ancien tirailleur africain de 89 ans. Il garde un souvenir précis de son recrutement: « C’était pendant la saison des pluies en 1954», qui s’étend de juin à octobre au Sénégal. « À cette époque, j’étais secrétaire à la préfecture de Kaolack, d’où je viens. Il y avait une cérémonie pour le 14 juillet et un chant a éclaté ». En racontant cette histoire, le vieil homme se met à chanter quelques paroles de la Marche lorraine chez lui à Mbao, une commune voisine de Dakar. « Mon père a été inspiré par cette mélodie et m’a suggéré : Pourquoi ne pas te lancer dans une carrière militaire ? » Quelques semaines plus tard, j’étais à la caserne en uniforme ».

La famille de N’Dongo Dieng a une riche histoire militaire. Quatre de ses fils ont rejoint l’armée ou la gendarmerie sénégalaise. Son grand-père a combattu en France pendant la première guerre mondiale en tant que tirailleur. « Il n’est jamais revenu », confie N’Dongo Dieng avec un murmure. Son père a été partie prenante lors du débarquement de Provence en août 1944. »

Ce 15 août, une commémoration se tiendra à Toulon, marquée par la présence d’Emmanuel Macron, le président français, et de Birame Diop, le ministre des armées sénégalais, d’après l’Elysée. Sous l’égide de l’Association pour la mémoire et l’histoire des tirailleurs sénégalais (AMHTS), dirigée par Aïssata Seck, une élue locale de Seine-Saint-Denis en France, N’Dongo Dieng voyagera en France accompagné de Yoro Diao, Ousmane Sagna et Ousmane Badji. Ils rejoindront Oumar Diémé, qui a eu l’honneur de porter la flamme olympique le 26 juillet à Courneuve. Ces cinq hommes, nés dans les années 1930, ont tous servi l’armée française.

« Un hommage tardif », N’Dongo Dieng a servi en Algérie de 1956 à 1958. « Beaucoup de soldats de mon régiment avaient été envoyés en Indochine. Cette guerre était terminée et une autre commençait. Il y avait quelques uns d’entre nous qui ont été déployés en Algérie », se souvient-il. Dieng raconte, « C’était assez déconcertant. Nous faisions face à des Africains musulmans, comme nous… Mais nous étions militaires. C’était ainsi. »

N’Dongo Dieng se prépare à se réunir avec d’autres tirailleurs pour des commémorations à Toulon, ces mêmes tirailleurs qui ont servi lors des deux conflits coloniaux majeurs en Indochine et en Algérie. Anthony Guyon, historien et écrivain de « Tirailleurs sénégalais. De l’indigène au soldat, de 1857 à nos jours » (Perrin, 2022), rappelle une réalité souvent omise : la naissance des tirailleurs est directement liée à la conquête coloniale, et ces derniers ont été pleinement engagés lors des décolonisations, en opposition aux insurrections des populations colonisées. Le même historien met en lumière la différence dans la mobilisation de ces soldats : des dizaines de milliers ont été déployés en Indochine, tandis que seulement quelques milliers ont été envoyés en Algérie. La cause évoquée est la crainte existante au sein de l’état-major français d’une éventuelle solidarité musulmane. Pour lire la suite de cet article, vous devez être abonné.