Suite à plus de deux ans de batailles féroces sur son propre territoire, l’armée de l’Ukraine a opté pour transférer le conflit au-delà de sa frontière est, en direction de la Russie. A partir du 6 août, ses troupes ont réussi à s’implanter sur plusieurs centaines de kilomètres carrés dans la zone de Koursk, au nord de Kharkiv, obligeant les dirigeants russes à prescrire l’évacuation de dizaines de milliers de citoyens innocents. Comme durant l’échec initial de la tentative d’invasion russe de l’Ukraine en 2022, cette offensive a reflété les faiblesses de Moscou : lacunes dans le renseignement, mauvaise analyse du terrain et manque de préparation.
Cette action imprévue représente désormais une défaite mordante pour Vladimir Poutine. Le lundi 12 août, le chef d’État russe a relevé le rôle des nations occidentales pour essayer de minimiser l’échec de ses forces militaires face à cette attaque. Pendant les premiers jours de la progression ukrainienne, il avait regretté les «bombardements indiscriminés contre des cibles non militaires », une remarque déplacée et cynique tenant compte du bombardement régulier de son armée des cités ukrainiennes dans le but d’effrayer leurs habitants et de détruire le plus d’infrastructures vitales possible.
L’assaut actuel représente une initiative extrêmement périlleuse pour la direction militaire ukrainienne, bien qu’il procure temporairement une certaine flexibilité à une armée qui a été sur la défensive suite au raté d’une contre-attaque proclamée en 2023. Depuis des mois, les forces ukrainiennes subissent une érosion continue de leurs positions à cause d’un assaillant qui détient un avantage considérable en terme de troupe et d’équipement, en raison de l’absence de livraisons adéquates d’armement occidental. En obligeant Moscou à ne serait-ce que réaffecter une fraction de ses forces, Kiev peut certainement espérer une réduction momentanée de la pression existante dans le sud.
Accentuer les coûts de guerre pour Moscou
Les alliés principaux de Kiev n’ont pas critiqué l’assaut ukrainien. Traditionnellement très hésitante à toute propagation de guerre, l’Allemagne par l’intermédiaire de son ministère de la Défense, a déclaré que le droit de légitime défense reconnu à un pays pourrait également couvrir les opérations menées sur le territoire de l’agresseur. Pendant plusieurs mois, les pays occidentaux se sont opposés à ce que les armes fournies à Kiev soient utilisées contre des cibles en Russie. Cela accentuait l’inégalité stratégique à un déséquilibre flagrant des forces et, en fin de compte, la promesse d’une impasse.
Vladimir Poutine s’est exprimé avec colère le 12 août, accusant l’Ukraine de tenter d’améliorer sa position en vue de futures négociations grâce à son attaque. À l’inverse de sa position déterminée initiale, le président ukrainien, Volodymyr Zelensky, a mentionné plusieurs fois ces dernières semaines l’éventualité de pourparlers incluant la Russie, dont il a parlé notamment dans Le Monde. Sa proposition est en réalité une mesure additionnelle à l’attaque actuellement menée, destinée à ôter au territoire russe son statut de sanctuaire qui l’a protégé des combats, et d’où les forces russes pourraient lancer des attaques sur l’Ukraine sans crainte de représailles. Malheureusement, rendre le conflit plus onéreux pour la Russie, même symboliquement, est pour le moment la seule solution pour mettre fin aux combats, voire pour atteindre la paix.
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