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13 août 2024 17 h 06 min

« Guerre Ukraine: Russie déjoue attaques ukrainiennes »

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Consultez l’ensemble de nos articles, opinions et chroniques sur le conflit en Ukraine. Les contributions, études et explications de « Le Monde ». Volodymyr Zelensky admet une « transition de la guerre sur le sol de l’attaquant » après l’infiltration des forces militaires ukrainiennes en Russie. Mykhaïlo Fedorov, ministre ukrainien, déclare : « La guerre asymétrique consiste à employer des technologies auxquelles l’adversaire ne s’attend pas ». Attaque dangereuse de l’Ukraine en Russie pour Kiev. JO 2024 : pour les sportifs ukrainiens, la hantise de la guerre est le contexte de leurs performances. Ukraine : les doutes d’un conflit épuisant.

Nous répondons à vos interrogations les plus courantes. Comment Moscou et Kiev se servent-ils des drones ? Depuis de nombreux mois, la confrontation par drones entre la Russie et l’Ukraine a atteint une échelle sans précédent. D’après un document, révélé en mai 2023 par un laboratoire d’idées britannique consacré aux problématiques de défense, les Ukrainiens perdaient environ 10 000 drones par mois sur le théâtre de guerre, soit plus de 300 par jour. Pour la comparaison, l’armée française compte un peu plus de 3 000 avions sans pilote dans ses stocks.

Les Ukrainiens et Russes utilisent en grande partie de petits UAV (unmanned aerial vehicle, en anglais) à usage civil, abordables et largement disponibles. Ils utilisent ces drones pour observer le champ de bataille et diriger les troupes ou les tirs d’artillerie ; certains sont aussi adaptés pour transporter de petites charges explosives, qui sont ensuite larguées sur des tranchées ou des véhicules blindés.

Les drones-kamikazes, bien que moins courants, jouent un rôle crucial avec leur munition explosive. Ces UAV sont propulsés au-dessus du front sans un objectif prédéfini. Les forces russes utilisent le Lancet-3 de fabrication russe ainsi que le Shahed-136 iranien. L’Ukraine, dépourvue d’une véritable flotte de guerre, se moque de son adversaire avec des véhicules maritimes non pilotés, des kayaks miniatures télécommandés remplis d’explosifs (450 kilogrammes de TNT).

Les drones sont essentiels pour les opérations ukrainiennes et russes, qui ont structuré leurs forces pour soutenir leurs troupes à long terme, en s’approvisionnant abondamment en drones civils et en développant des capacités de production locales. L’industrie nationale ukrainienne, qui a débuté timidement lors de la guerre du Donbass il y a une décennie, a depuis gagné en puissance. En août dernier, le ministre ukrainien de la transformation numérique a annoncé qu’une réplique du drone russe Lancet avait été développée et serait bientôt lancée sous le nom de Peroun, le dieu slave du tonnerre et de la foudre.

La Russie, d’autre part, souffre de sanctions occidentales qui restreignent son accès aux composants électroniques. Néanmoins, selon les renseignements américains, Moscou aurait commencé à construire une usine dans la zone économique spéciale d’Alabouga pour produire des drones-kamikazes de conception iranienne comme le Shahed-136.

Quant à l’arsenal de missiles de la Russie, il est extrêmement difficile, sinon impossible, d’en connaître le statut actuel. Les services de renseignement ukrainiens fournissent régulièrement des informations à ce sujet, mais leurs estimations sont discutables.

Selon le porte-parole de la direction générale du renseignement du ministère de la défense, Andri Ioussov, qui s’est exprimé via Liga.net, l’armée russe avait une réserve de 2 300 missiles balistiques ou de croisière avant le conflit, avec encore 900 restants au début de l’année. A cela, le porte-parole a ajouté environ dix mille missiles antiaériens S-300, avec une portée de 120 kilomètres, et une quantité significative de S-400, un modèle plus moderne ayant triple portée. En août, Vadym Skibitsky, le second en charge du GUR, a avancé que 585 missiles avaient une portée supérieure à 500 kilomètres.

En ce qui concerne leur production, plusieurs experts s’accordent à dire qu’elle a augmenté pour atteindre une centaine de missiles balistiques ou de croisière par mois. Selon une estimation du GUR en octobre, cette production s’élevait à 115 unités.

On dit également que la Russie a acheté des missiles à courte portée en Iran et en Corée du Nord et continuerait de le faire. Reuters, qui s’appuie sur plusieurs sources iraniennes, rapporte que 400 missiles de la série Fateh-110, ayant une portée de 300 à 700 kilomètres, ont été livrés à la Russie depuis janvier, date à laquelle un accord serait parvenu. Le nombre précis de missiles nord-coréens acquis par la Russie reste inconnu, cependant, 24 missiles ont été lancés en Ukraine entre le 30 décembre 2023 et le 7 février 2024 selon le procureur général, Andriy Kostin. Selon les experts ayant analysé les débris et les trajectoires, il est probable qu’il s’agisse des modèles KN-23 et KN-24, ayant une portée d’environ 400 kilomètres.

La question sur les avions de combats F-16 demeure.

En réponse à une sollicitation de longue date du président ukrainien, les États-Unis ont marqué leur accord en août 2023 pour céder des avions de combat F-16 à l’Ukraine. Alors qu’il y a potentiellement plus de 300 F-16 répartis dans neuf pays européens, dont la Belgique, le Danemark, la Grèce, les Pays-Bas et le Portugal, il est à noter que tous ces pays ne sont pas en position de céder immédiatement ces avions.

Volodymyr Zelensky avait évoqué un chiffre de 42 F-16 promis par ses alliés occidentaux à Kiev, mais cette information n’a pas été officialisée. Le Danemark s’est engagé à offrir 19 F-16, les six premiers devant être remis d’ici la fin de 2023. Huit autres suivront en 2024 et 5 supplémentaires en 2025, comme l’a déclaré Mette Frederiksen, la première ministre danoise. Les Pays-Bas, qui ont également promis de livrer des F-16, disposent de 42 unités, mais n’ont pas spécifié le nombre qu’ils envisagent de céder.

En outre, les pilotes ukrainiens nécessitent une formation pour manipuler ces avions de combat américains. Onze alliés de Kiev se sont engagés à former ces pilotes. L’OTAN estime que les soldats ukrainiens pourront opérer ces avions en combat seulement au début de 2024, tandis que d’autres experts prévoient plutôt l’été de la même année.

Enfin, quel soutien militaire les alliés de l’Ukraine lui offrent-ils réellement ?

Deux ans après l’escalade du conflit, l’engagement occidental envers Kiev semble s’essouffler. Selon un rapport de l’Institut Kiel publié en février 2024, les nouvelles aides promises ont diminué entre août 2023 et janvier 2024 par rapport à la même période l’année d’avant. Cette tendance pourrait continuer, le vote sur les aides américaines connaissant des difficultés au Sénat et l’Union européenne ayant du mal à approuver une aide de 50 milliards le 1er février 2024, en raison d’un veto hongrois. À noter, ces deux paquets d’aide n’ont pas encore été inclus dans le dernier bilan de l’Institut Kiel, qui s’achève en janvier 2024.

Les chiffres de l’institut allemand révèlent une réduction et une concentration du nombre de donateurs autour d’un noyau dur de pays, tels que les États-Unis, l’Allemagne et les pays nordiques et est-européens, qui promettent tant une aide financière substantielle que de l’équipement militaire avancé. Depuis février 2022, les nations soutenant Kiev se sont engagées à hauteur d’au moins 276 milliards d’euros en matière militaire, financière et humanitaire.

En termes absolus, les pays les plus fortunés ont été les plus généreux. Avec plus de 75 milliards d’euros d’aide annoncée, dont 46,3 milliards en aide militaire, les États-Unis sont de loin les premiers donateurs. Les pays de l’Union européenne ont annoncé des aides bilatérales (64,86 milliards d’euros) et des aides communes provenant des fonds de l’Union européenne (93,25 milliards d’euros), pour un total de 158,1 milliards d’euros.

Lorsqu’on compare ces dons au produit intérieur brut (PIB) de chaque pays donateur, la liste se modifie. Les États-Unis tombent au vingtième rang (0,32 % de leur PIB), bien derrière des nations limitrophes de l’Ukraine ou d’anciens alliés soviétiques. L’Estonie est en tête de ce classement par rapport au PIB avec 3,55 %, suivie de près par le Danemark (2,41 %) et la Norvège (1,72 %). La Lituanie (1,54 %) et la Lettonie (1,15 %) complètent le top 5. Les trois pays baltes, qui partagent tous des frontières avec la Russie ou son alliée, la Biélorussie, sont parmi les plus généreux donateurs depuis le début du conflit.

En termes de pourcentage du PIB, la France se retrouve au vingt-septième rang, ayant engagé 0,07 % de son PIB, juste après la Grèce (0,09 %). L’aide apportée par la France est en baisse continue depuis le début de l’invasion de l’Ukraine par la Russie – la France se trouvait au vingt-quatrième rang en avril 2023, et au treizième rang à l’été 2022.

Que savons-nous des tensions à la frontière entre l’Ukraine et la Pologne?

Depuis quelque temps, l’Ukraine et la Pologne connaissent des problèmes relationnels, dont le centre est le transit de céréales en provenance d’Ukraine. Au printemps de l’année 2022, pour aider à l’expédition et à la commercialisation de la production agricole ukrainienne sans taxes douanières vers l’Afrique et le Moyen-Orient, l’Union Européenne avait instauré des « corridors de solidarité ». Cependant, selon la Fondation Farm, qui se penche sur les questions agricoles mondiales, environ la moitié des céréales ukrainiennes passent ou terminent leur voyage dans l’Union Européenne depuis le début du conflit. Ces céréales sont considérablement moins chères que le blé cultivé dans l’UE, surtout en Europe centrale.

De ce fait, la Pologne, la Bulgarie, la Hongrie, la Roumanie et la Slovaquie ont justifié que ces céréales déstabilisent leur marché local et impactent négativement les revenus de leurs fermiers. Pour cette raison, ils ont bloqué leurs importations en avril 2023, un embargo que Bruxelles a accepté seulement si d’autres pays pourraient toujours les transiter et qu’il ne durerait que quatre mois. Varsovie a choisi de ne pas rétablir sa frontière aux céréales ukrainiennes à la fin de l’été, considérant que le problème de base restait non résolu. À contrario, Bruxelles croyait que l’embargo n’était plus nécessaire, car ses analyses démontraient « qu’il n’y avait plus de distorsion des marchés nationaux pour les céréales ».

Des protestataires agricoles polonais barrent la passage entre l’Ukraine et la Pologne pour interdire l’accès des véhicules ukrainiens à leur territoire national. Ils demandent un arrêt total de l’importation des biens agricoles et alimentaires d’Ukraine. Les agriculteurs pointent l’augmentation massive de leurs dépenses opérationnelles pendant que leurs silos et hangars sont déjà remplis à pleine capacité et que le marché fait face à des prix record bas. Le chef d’État ukrainien percevait au commencement de 2024 que le siège de la frontière polonaise était un signe de « l’échappement de la solidarité » envers son nation, demandant des négociations avec la Pologne. « Seulement Moscou se délecte » de cette situation, a-t-il ajouté, condamnant « l’émergence de cris de ralliement favorables à Poutine ».