Consultez tous nos articles, enquêtes et documentaires sur le conflit ukrainien. « Le Monde » fournit des analyses, reportages et explications détaillées. De son côté, le président ukrainien Volodymyr Zelensky a admis un « transfert du conflit sur le sol de l’agressor » suite à une incursion militaire ukrainienne sur le territoire russe.
Selon Mykhaïlo Fedorov, le ministre ukrainien, « la guerre non conventionnelle implique l’utilisation de technologies inattendues par l’adversaire ». Une audacieuse avancée ukrainienne en Russie présente des dangers significatifs pour Kiev. Quant aux athlètes ukrainiens aux Jeux Olympiques de 2024, les spectres du conflit hantent leurs performances.
Le conflit ukrainien est marqué par des incertitudes, l’épuisement gagnant chaque camp. Nous répondons ici à vos questions les plus courantes.
Comment les drones sont-ils utilisés par Moscou et Kiev ? La guerre des drones entre la Russie et l’Ukraine s’est intensifiée récemment. D’après un rapport d’un think tank britannique spécialisé en défense, publié en mai 2023, l’Ukraine perd environ 10 000 drones par mois au combat, soit plus de 300 par jour, contre un peu plus de 3 000 drones détenus par l’armée française.
Les avions sans pilote, principalement de petits UAV (véhicules aériens non habités) d’origine civile, bon marché et largement disponibles, sont principalement utilisés par les Ukrainiens et les Russes. Ils sont utilisés pour surveiller le champ de bataille, orienter les troupes ou les tirs d’artillerie. Certains sont également modifiés pour transporter de petites charges explosives, qui sont ensuite larguées sur des tranchées ou des véhicules blindés.
Bien que moins utilisés, les drones-kamikazes ont également un rôle crucial. Conçus avec une charge explosive, ces UAV sont envoyés au-dessus du front sans objectif prédéfini. Moscou fait usage des drones russes Lancet-3′, ainsi que des Shahed-136, fabriqués en Iran. Sans une véritable marine de guerre, l’Ukraine défie l’ennemi avec des machines maritimes sans pilote, de petits kayaks télécommandés et chargés d’explosifs (450 kilos de TNT).
Le fait que les ukrainiens et les russes ont organisé leur approvisionnement continu en drones pour leurs opérations, soit en achetant en gros sur le marché civil, soit en établissant leur propre production, démontre l’importance de ces engins. L’industrie ukrainienne, qui en était à ses balbutiements au début du conflit du Donbass il y a dix ans, a depuis gagné en puissance. A la fin d’août, le ministre ukrainien de la transformation numérique a annoncé qu’un clone du drone russe, le Lancet, avait été développé et serait bientôt lancé sous le nom de Peroun, le dieu slave de la foudre et du tonnerre.
Limitée par les sanctions occidentales freinant son approvisionnement en composants électroniques, la Russie rencontre plus de difficultés. Cependant, selon les services de renseignement américains, Moscou aurait commencé la construction d’une usine dans la zone spéciale économique d’Alabouga pour y produire des drones-kamikazes de conception iranienne, tels que les Shahed-136.
Quant à l’état actuel des stocks de missiles de l’armée russe, il est très compliqué, sinon impossible, à déterminer. Les services de renseignement ukrainiens publient régulièrement des informations à ce sujet, mais leur fiabilité reste sujette à scepticisme.
D’après les informations partagées par Andri Ioussov, représentant des renseignements du ministère de la défense (GUR), et relayées par Liga.net, l’armée russe comptait 2 300 missiles balistiques ou de croisière avant la propagation de la guerre et elle en possédait plus de 900 en début d’année. Le représentant a ajouté que l’armement comprend également des milliers de missiles antiaériens S-300, avec une portée d’environ 120 kilomètres, ainsi qu’un nombre significatif de S-400, version plus récente avec une portée triple. Vadym Skibitsky, le deuxième homme fort du GUR, a révélé en août un chiffre de 585 missiles avec une portée dépassant les 500 kilomètres.
Concernant les capacités de production, selon de nombreux experts, la Russie peut désormais fabriquer environ une centaine de missiles balistiques ou de croisière par mois. En octobre, la production était évaluée par le GUR à 115 unités.
La Russie aurait également acquis des missiles à courte portée en Iran et en Corée du Nord, et continue de le faire. Reuters, en citant plusieurs sources iraniennes, indique que 400 missiles iraniens Fateh-110 (de 300 à 700 kilomètres) auraient été livrés à la Russie depuis janvier, lorsque l’accord a été conclu. On ne sait pas combien de missiles nord-coréens la Russie a obtenus, mais 24 ont été lancés en Ukraine entre le 30 décembre 2023 et le 7 février 2024, selon Andriy Kostin, le procureur général. Les experts qui ont examiné les débris et les trajectoires estiment qu’il s’agit probablement des missiles KN-23 et KN-24 avec une portée aux alentours de 400 kilomètres.
Qu’en est-il des avions de combat F-16 ?
Dans le cadre d’une requête de longue date du président ukrainien, les Etats-Unis ont, en août 2023, approuvé le transfert de jets de combat F-16 à l’Ukraine. Bien qu’il y ait une flotte potentielle de plus de 300 F-16 répartis dans neuf pays européens – dont la Belgique, le Danemark, la Grèce, les Pays-Bas et le Portugal -, tous les pays qui en possèdent ne sont pas en mesure de les céder immédiatement.
Le président ukrainien, Volodymyr Zelensky, a mentionné le nombre de 42 F-16 promis par les alliés occidentaux à Kiev, mais cette information n’a pas été confirmée. Le Danemark a promis d’en donner 19. Les six premiers ne devaient pas être livrés avant fin 2023, huit autres en 2024 et le reste en 2025, d’après la première ministre danoise, Mette Frederiksen. Les Pays-Bas, qui ont également promis d’en donner, disposent de 42 unités, mais ils n’ont pas indiqué combien ils envisageaient d’en céder.
De plus, les pilotes ukrainiens doivent être formés pour piloter ces jets de combat américains. Onze pays partenaires de Kiev se sont engagés à former les pilotes. Selon l’OTAN, les soldats ukrainiens ne seraient pas en mesure d’utiliser les avions dans un contexte de combat avant début 2024, tandis que d’autres experts visent plutôt l’été de la même année.
Quel type de soutien militaire ses alliés fournissent-ils à Kiev ?
Deux ans après le commencement de la bataille à grande envergure, l’appui de l’Ouest à Kiev montre des signes de faiblesse : l’assistance récemment offerte a diminué entre août 2023 et janvier 2024, par rapport à la même période de l’année précédente, selon le rapport le plus récent de l’Institut Kiel, paru en février 2024. Cette tendance pourrait continuer, car le Sénat américain lutte pour approuver de nouvelles aides, et l’Union européenne (UE) a eu du mal à obtenir l’adoption d’une aide de 50 milliards le 1er février 2024, à cause de l’opposition hongroise. Il convient de préciser que ces deux ensembles d’aide ne figurent pas encore dans le dernier bilan de l’Institut Kiel, qui s’arrête en janvier 2024.
Les informations dévoilées par l’institut allemand soulignent une réduction du nombre de donateurs se centrant autour d’un groupe de pays : les États-Unis, l’Allemagne, les pays du Nord et de l’Est de l’Europe qui promettent à la fois un soutien financier conséquent et des armes avancées. En tout, depuis février 2022, les nations soutenant Kiev ont offert au moins 276 milliards d’euros pour les efforts militaires, financiers et humanitaires.
En termes absolus, ce sont les pays les plus riches qui ont été les plus bienfaisants. Les États-Unis sont sans conteste les donateurs dominants, avec plus de 75 milliards d’euros d’aide déclarée, dont 46,3 milliards en aide militaire. Les États membres de l’Union européenne ont annoncé tant des aides bilatérales (64,86 milliards d’euros) que des aides collectives issues des fonds de l’Union européenne (93,25 milliards d’euros), pour une somme totale de 158,1 milliards d’euros.
Quand on met en relation ces dons avec le produit intérieur brut (PIB) de chaque pays donateur, le tableau change. Les États-Unis tombent au vingtième place (0,32 % de leur PIB), très loin derrière des pays limitrophes de l’Ukraine ou des anciennes républiques soviétiques amies. C’est l’Estonie qui domine en termes de dons par rapport au PIB avec 3,55 %, suivie du Danemark (2,41 %) et la Norvège (1,72 %). La Lituanie (1,54 %) et la Lettonie (1,15 %) complètent le top 5. Les trois pays baltes, qui ont tous une frontière avec la Russie ou son alliée la Biélorussie, sont parmi les donateurs les plus généreux depuis le début du conflit.
En termes de pourcentage du PIB, la France se trouve à la vingt-septième place, ayant engagé 0,07 % de son PIB, juste après la Grèce (0,09 %). L’assistance fournie par la France a continué de diminuer depuis le début de l’invasion de l’Ukraine par la Russie – la France se trouvait à la vingt-quatrième place en avril 2023, et à la treizième place à l’été 2022.
Qu’en est-il des tensions à la frontière entre l’Ukraine et la Pologne ?
Les tensions entre l’Ukraine et la Pologne se sont intensifiées au cours des derniers mois, principalement dues au transit des grains ukrainiens. Au printemps 2022, l’Union européenne avait instauré des « routes de solidarité » pour faciliter l’exportation et la vente, en franchise douanière, des produits agricoles ukrainiens vers le Moyen-Orient et l’Afrique. Toutefois, la Fondation Farm, un groupe de réflexion sur les enjeux agricoles mondiaux, a déclaré que « depuis le début du conflit, presque la moitié des céréales ukrainiennes transitent ou arrivent dans l’Union européenne (UE), à des prix nettement inférieurs à ceux du blé produit dans l’UE, en particulier dans les pays d’Europe centrale ».
Citant cette perturbation du marché local et la baisse conséquente des revenus agricoles, plusieurs pays dont la Pologne, la Bulgarie, la Hongrie, la Roumanie et la Slovaquie ont unilatéralement suspendu leurs importations de céréales en avril 2023. Bruxelles avait approuvé cet embargo à condition qu’il ne bloque pas le transit vers d’autres pays et qu’il ne dure que quatre mois. Cependant, estimant que le problème n’avait pas été vraiment résolu, Varsovie a choisi de maintenir sa frontière fermée aux céréales ukrainiennes à la fin de l’été, contredisant ainsi Bruxelles, qui pensait que l’embargo n’était plus nécessaire puisque ses études démontraient « qu’il n’y avait plus de distorsion des marchés nationaux pour les céréales ».
Les agriculteurs de Pologne ont érigé une barricade à la frontière polono-ukrainienne pour stopper l’arrivée des camions originaires d’Ukraine. Ils demandent un embargo total sur les produits alimentaires et agricoles de l’Ukraine, arguant que leurs coûts de production ont grimpé en flèche tandis que les silos et les entrepôts débordent et les prix atteignent un creux record. Le président d’Ukraine percevait en début de 2024 ce blocus polonais comme une indication de la diminution de solidarité envers sa nation, demandant des discussions avec la Pologne. Il a également souligné que seule Moscou se réjouissait de ces conflits, critiquant l’émergence de slogans clairement pro-Poutine.