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« Excursion dans le royaume des habitudes linguistiques »

Découvrez chaque épisode de la séquence « Façons de parler » sur ce lien.
Les béquilles linguistiques, ces petites manies de la parole, nous poussent à communiquer comme une machine, et sont une partie intégrante de notre manière de s’exprimer. L’expression « du coup » qui est souvent employée sans ajouter de valeur à notre discours, est un excellent exemple. Cependant, elle se révèle très utile pour maintenir la structure volatile d’une pensée quelque peu désorganisée. « Ce qui est ennuyeux, c’est moins sa répétition que sa prédominance : elle transcende les générations et les classes sociales, exaspère ceux qui nous entourent et peut même gâcher un entretien d’embauche », note Julien Soulié, auteur de l’ouvrage intitulé Les Pourquoi du français (First, 2022).
Il y a une décennie, cette utilisation excessive a induit l’Irritation de l’Académie française. Dans une clarification censée être obligatoire, elle a souligné que cette expression, qui signifie « immédiatement », ne devrait pas être systématiquement utilisée à la place de « donc » ou de « par conséquent ». Cela n’a cependant pas beaucoup changé… Les deux syllabes persistent à resurgir dans chaque phrase, embellissant artificiellement le lien logique entre la cause et l’effet. Soulié met également en avant l’aspect phatique de cette fixation, c’est-à-dire son rôle essentiel, bien qu’épuré, de créer une connexion avec autrui. On dit souvent : « Du coup, qu’est-ce qu’on fait maintenant ? » comme on dirait « Allo ! » au téléphone.
Un amplificateur de sensations.

« En réalité », souvent utilisée par les plus jeunes pour attirer l’attention des adultes, est une expression qui n’a de cesse d’augmenter en popularité, se positionnant juste derrière « du coup ». Les enfants de trois ans ont déjà compris que commencer une phrase par « en réalité » est un moyen efficace pour susciter l’attention. Théoriquement, cette locution devrait introduire une clarification ou une information nouvelle. Cependant, le résultat final est souvent décevant : « En réalité, je ne veux pas me lever ce matin. » Quand elle est utilisée à la fin d’un propos, elle apporte rarement de l’impact.

Certaines expressions idiomatiques, telles que « ça envoie du pâté », ont gagné en popularité car elles sont agréables à utiliser, tandis que d’autres reflètent la personnalité individuelle et même les conflits internes. Commencer votre phrase par « il est vrai que » ou la terminer par « tu vois ce que je veux dire ? », par exemple, peut indiquer une absence de conviction dans vos déclarations.

Le langage verbal peut également servir à amplifier les sentiments, semblable à un surligneur vocal. Des électeurs « extrêmement choqués » par les résultats du RN, certains surpris par « le monde fou » qui se précipitait aux urnes, et des gourmets friands de l’ironie qui sont séduits par un plat qualifié de « tuerie » sur le vif, ont été entendus à maintes reprises.

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