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« Sur les traces d’un photographe clandestin à Paris »

C’était de manière tout à fait ordinaire qu’a débuté un voyage unique en août 2020. Ce matin-là, Stéphanie Colaux, une amatrice de photos vintage, errait de stand en stand au marché aux puces de Barjac, dans le Gard, cherchant des trésors cachés. Son habitude annuelle était de rechercher des albums photo traditionnels, ceux avec une couverture rigide et des images en noir et blanc aux bords finement dentelés. Ces moments figés dans le temps, parfois sauvés de l’oubli ou même des poubelles, dégageaient une odeur de grenier et de nostalgie, rappelant des instants intimes et des émotions anonymes. Étant cofondatrice d’une société de production audiovisuelle, Stéphanie Colaux aimait se laisser aller à l’imagination, construisant des récits et des destins autour de chaque photo.

En déambulant devant un des stands, son attention fut attirée par un album qui semblait banal et en plutôt mauvais état. La couverture, plastifiée et visiblement datant des années 70, illustrait deux enfants jouant avec un modèle réduit de bateau. Poussée par la curiosité, Stéphanie décida malgré tout d’ouvrir cet album, pour y découvrir, à son grand étonnement, un véritable trésor…

Nous nous trouvons à Paris, depuis juin 1940 jusqu’à mars 1942, c’est-à-dire, au commencement de l’Occupation, une période durant laquelle il était interdit – excepté pour ceux qui avaient une accréditation – de prendre des clichés à l’extérieur. Malgré cela, des centaines de photos existent, précisément 377, majoritairement numérotées et datées, dépeignant le paysage d’une capitale soumise, emportée par une certaine léthargie. La première image, datée du 30 juin 1940, fixe l’ambiance en montrant une affiche de propagande : le dessin d’un homme en uniforme avec deux enfants, le tout entouré d’un message rassurant, « Populations abandonnées, faites confiance au soldat allemand ».
Des commentaires vifs et impactants.
Ce qui suit est du même genre, des pages et des pages de petites images (8 x 6 cm) : des officiers défilent sur les boulevards ou le long des quais de la Seine en compagnie de jeunes femmes françaises ; certains déambulent autour de l’Arc de Triomphe ou s’affairent au marché aux puces… Aucun ne pose pour la photo, tous semblent ignorer qu’ils sont pris en photo. Au dos, on trouve parfois des indications manuscrites clarifiant le jour, l’heure, et l’endroit de la prise de vue, ainsi que des commentaires, des phrases courtes, impactantes, imbibées d’une ironie moqueuse, très parisienne, tout en majuscules, comme si l’auteur ne souhaitait surtout pas être reconnu.
En lisant ces écrits, on réalise vite que l’écrivain ou l’écrivaine n’apprécie guère les Allemands, également appelés les « Fritz » ou « nos protecteurs ». Rue de Rivoli, 30 juin 1940, à 16h30 : « Le drapeau allemand flotte, la rue est déserte. Seuls nos protecteurs circulent. »
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