Il existe quelques photos anciennes typiques avec de vieilles calèches stationnées devant la façade emblématique de style Tudor, un groupe d’hommes blancs sérieux en smoking, avec des moustaches… Mais certaines sont plus excentriques : un colon franchissant des obstacles sur un zèbre, un autre se trouvant près d’un énorme crocodile à la mâchoire ouverte…
Les parois du Norfolk reflètent sans détour son histoire coloniale. Mais il n’y a pas que ça. Dans l’un des côtés qui entourent le paisible jardin intérieur, on rencontre également Dedan Kimathi, un guerrier à la fois redouté et respecté de la rébellion indépendantiste. Dans un autre côté, la suite présidentielle porte le nom d’Harry Thuku, un leader syndical dont l’arrestation, près de l’hôtel, avait provoqué la première manifestation au Kenya en 1922. La rue en dessous est également nommée en son honneur.
Il y a cent vingt ans, lorsque le Norfolk a été construit, Nairobi n’était pour les Britanniques qu’une simple station sur la voie d’un long chemin de fer de l’océan Indien au lac Victoria. « C’était l’un des premiers bâtiments permanents, le deuxième hôtel de la ville, ouvert en 1904 », souligne Anne Mwangi, responsable de la clientèle. Aujourd’hui une ville d’au moins 4 millions d’habitants encercle l’hôtel : une tour universitaire se dresse juste devant, la télévision nationale avec ses grandes antennes paraboliques est en face, et la voie principale bruyante et chaotique, Waiyaki Way, passe tout près. Le Norfolk, stoïque et mesuré, semble les ignorer superbement.
Amours interdites ».
À l’intérieur du bâtiment, on ressent toujours ce sentiment unique de transition. Au fil de travaux de rénovation récents (conduits durant la pandémie de Covid-19 par son gestionnaire, le groupe Fairmont), des éléments architecturaux tels que les plafonds bas, les colonnes, les mezzanines et même le grand piano ont été préservés. Cependant, les bois sombres et les cuirs ont été remplacés par des tons blancs et verts, jugés « plus conviviaux ».
Nils Rothbarth, le directeur allemand du lieu, est fier de cette particularité : « Nous sommes une part de l’histoire, nous ne souhaiterions jamais devenir un édifice moderne. En ville, il y a une multitude d’hôtels contemporains et certains voyageurs leur sont attirés, mais d’autres recherchent un hébergement de caractère. Nous ciblons un marché précis, qui recherche non pas seulement un hébergement, mais une expérience. » Sa clientèle principalement américaine, qui occupe la majeure partie des 125 chambres (à partir de 200 euros la nuit), est éprise de cet héritage mêlé à un fantasme africain, rendu immortel par Hollywood.
L’année 1985 et la sortie du film « Out of Africa » ont joué un rôle crucial dans la légende du Norfolk. Ce n’était pas seulement l’hôtel qui accueillait les safaris et les chasses aux gros gibier au début du 20ème siècle ou qui aurait hébergé l’amour interdit entre les deux personnages : l’auteure danoise Karen Blixen et l’aristocrate britannique Denys Finch Hatton, (ceux-ci ayant chacun une suite portant leur nom). C’est aussi l’hôtel où séjournèrent Meryl Streep et Robert Redford, qui les interprétaient à l’écran, et où certaines scènes furent filmées.
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