Clémence Iacconi, une chimiste en formation à l’Ecole normale supérieure de Paris-Saclay, n’est pas certaine de la date précise de l’événement qu’elle décrit. Il s’est pourtant déroulé en décembre 2019 – elle s’en souvient bien car les grèves du métro local ont rendu son trajet de retour interminable. Ce jour-là, elle détenait dans son sac une découverte qui allait occuper les trois prochaines années de sa vie – des fragments de bronze, apparemment ordinaires, mais qui se sont révélés être des fossiles textiles minéralisés, récupérés trente ans auparavant sur le site du Paradis à Creney-près-Troyes.
Elle avait été dirigée vers ces fragments par Loïc Bertrand, son directeur de thèse, qui l’avait encouragée à consulter Christophe Moulhérat, un spécialiste des textiles archéologiques du Musée du quai Branly. Moulhérat, après avoir ouvert une boîte qui contenait d’autres, plus petites, remplies de sachets étiquetées, lui a montré un premier fragment minuscule mais incroyablement beau, présentant une rareté – des couleurs de chaque côté, bleu et vert. Fascinée, elle a exprimé son désir d’étudier ces fragments, ce à quoi Moulhérat a simplement répondu qu’elle était libre de les prendre. Ainsi commençait la résolution d’une affaire énigmatique majeure de l’archéologie française.
La dame n’avait aucune connaissance de ces « artifacts archéologiques », un terme utilisé par les experts pour décrire les éléments ou morceaux découverts pendant des fouilles. Elle n’était pas familière avec le site de Creney. En réalité, cette nécropole à la périphérie de Troyes n’attirait l’attention de personne. Révélée en 1987 lors d’un projet de « conservation » planifié avant la construction de l’échangeur « Troyes centre » sur l’autoroute A26, aucune recherche approfondie ni publication scientifique n’ont été faites à son sujet. Le rapport de fouille était « plutôt succinct », selon Loïc Bertrand. Les analyses habituelles n’ont pas été exécutées. « Evidemment, si j’avais à recommencer, j’agirais différemment, » admet Anne Villard-Le Tiec, conservatrice du patrimoine qui était responsable du site à l’époque, maintenant retraitée. « Je reconnais que cela me laisse un goût amer, un sentiment d’avoir raté quelque chose. Mais c’était une autre époque. Les procédures étaient beaucoup moins rigoureuses. Et le projet nous a dépassé. »
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