On raconte à Los Angeles qu’il y a deux types de gens qui élisent domicile au Chateau Marmont : ceux qui sont sur la voie de la réussite sociale, et ceux qui sont en chute libre. L’hôtel de soixante-trois chambres, situé au 8221 Sunset Boulevard, est l’une des adresses les plus renommées à travers le monde, et son histoire est riche en légende.
Le bâtiment, construit à la fin des années 1920 et dont la conception architecturale est tirée du château d’Amboise (Indre-et-Loire), est rempli de coins et recoins, chacun racontant une histoire liée à la mythologie d’Hollywood, qu’elle soit éblouissante ou sinistre, ou parfois les deux. Un exemple parfait serait l’œuvre cinématographique « Somewhere » de Sofia Coppola, sortie en France début 2011. Le film dépeint le personnage de Johnny Marco, joué par Stephen Dorff, un acteur renommé en pleine crise existentielle, coincé dans sa chambre au Chateau Marmont à cause d’une légère blessure. Son ex-femme refait surface et lui confie la garde de leur fille de 11 ans, Cleo (Elle Fanning).
« Somewhere », primé d’un Lion d’or à la Mostra de Venise en 2010, a-t-il une dimension autobiographique ? Une chose est certaine, la réalisatrice Sofia Coppola, ayant grandi à Hollywood, connaît ce monde comme personne d’autre et a personnellement été témoins des illusions perdues qui s’y trouvent. Explorer ses couloirs la nuit renforce cette notion.
Lors d’entretiens pendant la promotion du film, la réalisatrice américaine révélait que certaines séquences étaient basées sur des expériences vécues. Par exemple, un jour à Milan, elle s’était régalée avec son père, Francis, en essayant toutes les glaces proposées par le service en chambre. Cette anecdote est transposée dans « Somewhere », où l’on voit les personnages de Johnny et Cleo savourer de la glace dans des bols d’argent tout en regardant un épisode de Friends en version italienne. Le film a été intégralement tourné au Chateau Marmont, un lieu incontournable pour Sofia Coppola. Durant la production, l’acteur Stephen Dorff résidait sur place pour s’imprégner de son personnage, se laissant aller à des errances nocturnes dans les couloirs, à l’observation de la télévision et du monde en désordre depuis l’intérieur défraîchi de sa chambre.
Le précédent projet de Sofia Coppola, « Marie-Antoinette » (2006), était un film éblouissant, riche en dorures et en extravagances versailliennes. Pour « Somewhere », elle a opté pour une esthétique plus dépouillée. Elle a travaillé avec le regretté Harris Savides, son chef opérateur, en s’inspirant des photos réalisées au Chateau Marmont par le photographe Helmut Newton, décédé d’une crise cardiaque au volant de sa voiture ici-même en 2004. Ils ont également étudié les portraits classiques de Bruce Weber et la simplicité de la réalisatrice radicale Chantal Akerman. Au final, ce qui compte vraiment dans « Somewhere », c’est la manière dont Sofia Coppola a réussi à transformer l’hôtel en résonance de la mélancolie. Le reste de cet article est réservé aux abonnés.
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