L’école n’a pas seulement laissé des souvenirs positifs en moi. Ne voulant pas travailler, ma mère, qui était une coiffeuse, m’a envoyé en apprentissage chez un boulanger, expérience qui m’a beaucoup intéressé. Maintenant, je me réveille chaque jour à 2 heures du matin. Je suis un passionné d’histoire et j’utilise mon temps libre pour regarder des documentaires et organiser des expositions dans les villages voisins pour que la première guerre mondiale ne tombe pas dans l’oubli.
Progressivement, les enfants des soldats disparaissent, entraînant la mémoire de la guerre avec eux. Au départ, je faisais des maquettes d’avions puis je me suis intéressé à la collection d’objets militaires. La maison que j’ai fait construire abrite maintenant une pièce dédiée à ma collection de 150 casques français, allemands, anglais et américains, ainsi que plusieurs uniformes des deux guerres.
Je respecte trop ceux qui ont porté ces uniformes pour les mettre lors des reconstitutions historiques. Mon arrière-grand-père, par exemple, blessé à Verdun en 1916, a survécu trois jours entre les lignes ennemies avant d’être secouru.
Il a vécu jusqu’à l’âge de 85 ans avec des dizaines d’éclats d’obus dans la jambe qui était raidie. Ma mère me racontait qu’il était également devenu intransigeant et autoritaire suite à la guerre. Lorsqu’il finissait de manger, il repliait son couteau et tout le monde devait quitter la table, même si certains n’avaient pas terminé leur repas.
Assurément, « l’histoire se répète ».
Alors que ma collection de tatouages prenait de l’ampleur, j’ai eu l’envie de représenter sur ma peau la guerre qui m’habitait. Je n’ai pas pris cette décision à la légère et n’ai commencé ce projet de tatouage qu’à l’âge de 35 ans. L’artiste tatoueur Stéphane Chaudesaigues a passé environ cinquante heures à me tatouer. Mon premier tatouage, sur la clavicule, est une représentation de la plaque d’identification portée par les soldats américains sur laquelle j’ai fait graver les noms de mes deux fils. Ensuite, j’ai commencé à travailler sur le bras droit, du poignet au biceps, avec six ou sept tatouages différents inspirés par la Première Guerre mondiale, dont des anges qui surveillent les soldats en arrière-plan.
J’ai tatoué un visage de poilu ainsi que deux soldats scrutant l’horizon depuis leur tranchée – l’un d’eux porte la moustache, une oreille pliée qui signale ma naissance et le numéro de régiment de mon ancêtre. J’ai aussi tatoué deux ombres prises dans les barbelés d’une terre de personne, sous une détonation d’obus. Une reproductions d’affiche de propagande avec un enfant dans les bras d’un soldat est aussi dessinée sur ma peau, ainsi qu’une scène de bataille avec un soldat armé d’une gourdin orné de pointes – l’arme rudimentaire du poilu lors des combats rapprochés jusqu’à la fin de la guerre.
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