La notion d’une mafia en Corse devient de plus en plus concrète pour le système judiciaire français. Suite à six années d’investigation concernant les opérations d’un gang criminel majeur, Le Petit Bar, dominant la Corse-du-Sud, deux magistrats instructeurs de Marseille ont orienté vingt-sept individus vers le tribunal correctionnel le jeudi 8 août. Dans leur déclaration, ils affirment avoir découvert un véritable réseau auquel peut sans aucun doute être attribué le qualificatif de mafieux (en termes d’organisation structurée reposant sur une technique d’infiltration dans la sphère civile et économique, par le biais de la violence, la corruption et la pression économique).
Cela a commencé en 2018, lorsque des officiers de police enquêtaient sur une tentative d’homicide visant une personnalité du milieu criminel ajaccien, Guy Orsoni. Ils ont alors été alertés par des bruits enregistrés par des micros espions installés dans la résidence parisienne de son adversaire, le leader du Petit Bar, Jacques Santoni. Pendant près de deux ans, ils ont enregistré le comptage de billets de banque dont le montant atteint, d’après la justice, presque 2 millions d’euros.
L’enquête ouverte le 12 avril 2019 a révélé l’ampleur de ce gang ajaccien, successeur de l’ancien parrain de la Corse-du-Sud, Jean-Jérôme Colonna, surnommé « Jean-Jé », décédé fin 2006.
« La procédure nous a permis de plonger au coeur de l’organisation criminelle du Petit Bar », expliquent les juges, « et de mettre en lumière leurs pratiques brutales, leurs méthodes d’intimidation employées pour maintenir leur pouvoir, leurs liens avec d’autres organisations criminelles, la peur qu’ils inspirent à autrui, leurs relations douteuses ou complices avec le monde des affaires, mais également avec les services de l’Etat (police, justice) et leur capacité à manipuler les médias. »
Dans l’univers financier, on retrouve autour de Santoni, le leader de la troupe depuis son accident de moto en 2003 qui l’a rendu quadriplégique. Il est entouré d’un groupe solide d’environ une dizaine d’individus, y compris Pascal Porri, surnommé « L’Ampoule », Michaël Ettori, connu sous le nom de « Canapé », ainsi que André Bacchiolelli, désigné par « Tête tordue ».
Certains s’occupent des besoins quotidiens de Santoni, handicapé, tandis que d’autres sont des camarades d’école transformés en hommes d’affaires prospères. Parmi eux, Antony Perrino, âgé de 44 ans, a pris le contrôle de l’entreprise immobilière familiale, la transformant en l’une des sociétés dominantes de l’île, avec une présence sur le continent et à l’étranger. Pour les juges, Perrino est « considéré comme un membre intégral de la bande dite « du Petit Bar », malgré son statut de chef d’entreprise respecté et ses liaisons dans divers milieux sociaux ».
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