Le 12 septembre 1953 marque une date historique de la une des journaux. En particulier du célèbre New York Times. C’est le jour du mariage du sénateur américain John F. Kennedy avec Jacqueline Bouvier. La robe sublime de Mme Kennedy a fait l’objet de couvertures médiatiques du monde entier, et elle a été fabriquée à partir de 45 mètres de taffetas de soie. Tous ses détails minutieux comme les multiples plis festonnés et les petites fleurs délicates taillées dans de la cire sont relayés par les journalistes. Cependant, le nom de la créatrice de la robe de mariage reste dans l’ombre.
La conception de la robe, y compris celles des demoiselles d’honneur, est attribuée à la créatrice de mode afro-américaine, Ann Lowe. Ses créations, qui sont portées par la haute société américaine, illustrent simplement un échantillon de son talent. Malgré cela, son nom ne figure nulle part sur les étiquettes de ces vêtements. Le Saturday Evening Post la mentionnera même plus tard comme le « secret le plus bien gardé de la société » car elle crée des tenues pour les femmes les plus fortunées et élégantes, tout en restant méconnue en dehors de ce cercle privé.
Pour l’historienne américaine, Margaret Powell, cette reconnaissance internationale aurait été une véritable révolution dans sa carrière. Les détails photographiques de la robe de Jackie Kennedy diffusés dans les journaux et magazines auraient dû lui valoir une reconnaissance importante et créer de nombreuses opportunités commerciales. Ce qui aurait été bien plus efficace que n’importe quelle campagne de publicité, notait-elle dans son travail de fin d’études en 2012 sur la couturière dont certains passages ont été ensuite publiés dans un livre sur Ann Lowe : American Couturier, paru chez Rizzoli, en 2023.
La regrettée éminente chercheuse, qui nous a quittés trop tôt en 2019, a laissé derrière elle une œuvre de recherche impressionnante sur le monde de la couture. Aujourd’hui, Linda Dixon, l’arrière-petite-fille d’Ann Lowe, ainsi que Sharon Parker-Frazier, son agent, sont les gardiennes de sa riche patrimoine. Elles s’efforcent sans relâche de valoriser son travail et son héritage. « Je crois qu’elle a ouvert les yeux du monde à quelque chose qu’ils n’attendaient pas d’une femme noire. Elle était plus que simplement une couturière, elle était aussi, à sa manière, une militante des droits civiques », partage Linda Dixon.
Ann Lowe, reconnue pour ses délicates fleurs, a créé des milliers de robes tout au long de sa carrière de près de soixante-dix ans. Elle est devenue l’une des premières stylistes afro-américaines à ouvrir un atelier de couture sur Madison Avenue à New York. Elle a su imposer sa vision du style parmi l’élite sociale américaine et ses clients fortunés étaient émerveillés par ses grandes robes dignes de la haute couture parisienne. Pourtant, malgré une concurrence féroce et de nombreux obstacles qu’elle a dû surmonter tout au long de sa carrière, elle n’a jamais abandonné. Sa vie est marquée par des tragédies, des succès et une persévérance inébranlable.
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