Les mouvements des forces dirigées par Khalifa Haftar, le puissant leader de l’est libyen, vers des régions du sud-ouest contrôlées par le gouvernement rival de Tripoli (ouest), reconnu par l’ONU, font craindre une reprise des hostilités civiles, quatre ans après un accord de cessez-le-feu. Le commandant en second de l’état-major a ordonné à l’armée d’être en alerte et prête à contrer toute attaque potentielle dans le sud-ouest, selon une source de l’état-major des forces du » gouvernement d’union nationale » (GUN) citée par la chaîne Libya al-Ahrar. Al-Ahrar, une chaîne de télévision privée, avait annoncé dès le 7 août que des forces pro-Haftar se dirigeaient vers le sud-ouest libyen, sans donner plus de détails.
Après la chute et la mort du dictateur Mouammar Kadhafi, la Libye, déchirée par les conflits internes et les divisions, est gouvernée par deux administrations rivales : l’une à Tripoli (ouest), dirigée par Abdel Hamid Dbeibah ; l’autre à l’est, représentée par le Parlement et affiliée au maréchal Haftar, dont le bastion est à Benghazi.
Khalifa Haftar, soutenue militairement par des alliés étrangers (Russie, Egypte et Emirats arabes unis), a lancé une violente offensive entre avril 2019 et juin 2020 pour prendre le contrôle de Tripoli. Cependant, il a été stoppé à la périphérie de la capitale par les forces de l’UN-G, soutenues par la Turquie. Bien que des querelles politiques persistent et dégénèrent souvent en affrontements sanglants entre des groupes armés, le cessez-le-feu déployé en octobre 2020 suite à la déroute des troupes de Haftar est largement observé.
Jeudi, le Haut Conseil d’Etat (HCE), installé à Tripoli et faisant fonction de Sénat, a exprimé une profonde préoccupation quant aux déplacements militaires des troupes de Haftar dans le sud-ouest au cours des deux derniers jours. Ces mouvements semblent avoir pour objectif de renforcer son emprise et d’élargir son contrôle sur des régions stratégiques partagées avec nos voisins. Le communiqué du HCE indique que ces mouvements de troupes pourraient nous replonger dans un conflit armé et représente une menace directe au cessez-le-feu de 2020, sapant tout effort pour la réunification de l’institution militaire, provoquant ainsi l’échec du processus politique.
Selon Emad Badi, expert libyen au sein de l’Atlantic Council, l’ouest de la Libye est actuellement en pleine agitation, dans le contexte d’une mobilisation des forces de Haftar, vue par certains comme l’annonce éventuelle d’une offensive sur Tripoli. Pour d’autres analystes et médias locaux, l’objectif de cette mobilisation serait de prendre le contrôle de l’aéroport de Ghadamès, situé à 650 km au sud-ouest de Tripoli et actuellement contrôlé par le GUN. La prise de Ghadamès, région stratégique au carrefour des frontières libyennes avec l’Algérie et la Tunisie, par les forces pro-Haftar, « signifierait la rupture du cessez-le-feu de 2020 », a estimé M. Badi sur le réseau social X.
Selon Jalel Harchaoui, chercheur associé à l’institut britannique Royal United Services, obtenir le contrôle de Ghadamès offrirait plusieurs avantages à la partie de Haftar. Cela empêcherait les mouvements des partisans de Dbeibah vers le sud, isolerait Dbeibah et priverait Imad Trabelsi, son ministre de l’intérieur, du précieux avantage de contrôler cette région frontalière. Les forces de Haftar convoitent l’aéroport de Ghadamès et ses environs depuis plusieurs années car cela renforcerait considérablement la position territoriale de Haftar vis-à-vis de l’Algérie, la Tunisie et le Niger. Ainsi, le camp de l’Est aurait le contrôle de tout le Sud, d’est en ouest.
Les forces commandées par Saddam Haftar, le fils du maréchal Haftar, ont lancé une opération exhaustive mardi, visant officiellement à sécuriser les frontières méridionales du pays et à renforcer la stabilité du pays dans ces régions stratégiques. Ils ont également annoncé le déploiement de patrouilles pour surveiller la frontière avec les pays voisins. La Libye est bordée par le Soudan au sud-est, le Tchad au sud, le Niger au sud-ouest, l’Algérie à l’ouest et la Tunisie au nord-ouest.
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