Ce live a été co-animé par plusieurs personnalités : Aurélien Defer, Cécile Bouanchaud, Romain Del Bello, Jacky Goldberg, Pierre Bouvier, Gabriel Coutagne, Djaïd Yamak, Romain Del Bello, Minh Dréan et Solène L’Hénoret.
Nous vous invitons à découvrir tous nos contenus concernant le conflit en Ukraine – articles, reportages, analyses.
Vous trouverez dans Le Monde divers articles d’analyse et de reportage, ainsi que des examens approfondis sur la situation en Ukraine. Parmi les sujets couverts : des questions sur la nature prolongée de la guerre; la victoire des sabreuses ukrainiennes aux Jeux Olympiques de 2024 qui a ému le Grand Palais; les interactions régulières du président Zelensky avec les militaires, les civils et les politiciens et ses déclarations sur la difficulté de renoncer à des territoires ukrainiens.
Également à la une, le défi de l’armée ukrainienne pour stopper les drones russes et la Maison de l’Ukraine à Paris qui vise à soutenir les athlètes affectés par le conflit pendant les Jeux Olympiques.
Pour répondre à vos interrogations les plus communes, nous examinons comment les deux nations belligérantes, Moscou et Kiev, se servent de drones dans le conflit. Depuis quelques mois, cette « guerre des drones » a atteint une intensité sans précédent. Un rapport d’un think tank britannique de défense, publié en mai 2023, montre que les Ukrainiens perdent environ 10 000 drones chaque mois sur le front, soit plus de 300 chaque jour. Par comparaison, l’armée française dispose d’à peine plus de 3 000 drones dans ses stocks.
Les Ukrainiens et les Russes utilisent principalement de petits drones civils, accessibles et économiques en grandes quantités. Ceux-ci sont utilisés pour la reconnaissance du terrain de combat, orienter les troupes ou le tir d’armes lourdes; quelques-uns sont même adaptés pour transporter de petites charges explosives, qui sont ensuite larguées sur des tranchées ou des véhicules blindés.
Bien que moins présents, les drones-kamikazes jouent un rôle crucial. Equipés de charges explosives, ces drones sont déployés au-dessus de la ligne de front sans cible définie. Moscou fait usage des drones russes Lancet-3 ainsi que des Shahed-136 d’origine iranienne. L’Ukraine, sans flotte de guerre propre, répond à l’ennemi avec des véhicules maritimes téléguidés, des petits kayaks avec chargés d’explosifs (450 kilos de TNT).
Témoignant de l’importance des drones dans leurs opérations, aussi bien les Ukrainiens que les Russes se sont organisés pour fournir des ressources durables à leurs troupes, en acquérant massivement des drones civils sur le marché tout en développant leurs capacités de production interne. La production nationale ukrainienne, encore naissante au début de la guerre du Donbass déclenchée il y a dix ans, a depuis gagné en force. À la fin du mois d’Août, le ministre ukrainien de la transformation numérique a annoncé la réalisation d’une réplique du drone russe Lancet, qui sera bientôt déployée sous le nom de Peroun, le dieu slave de la foudre et du tonnerre.
La Russie éprouve des difficultés à cause des sanctions occidentales qui restreignent son accès aux composants électroniques. Malgré cela, les agences de renseignement américaines rapportent que Moscou aurait débuté l’établissement d’une usine dans la zone économique d’exception d’Alabouga. L’objectif serait de produire des drones-kamikazes, basés sur un modèle iranien, tels que les Shahed-136.
Il n’est pas aisé de déterminer la quantité exacte de missiles détenus par l’armée russe. Les services de renseignement ukrainiens tentent de fournir régulièrement des informations à ce sujet, mais leurs estimations sont souvent mises en doute.
Selon Andri Ioussov, un représentant de la direction générale du renseignement du ministère de la défense (GUR), et cité par Liga.net, avant le conflit, l’armée russe possédait 2300 missiles balistiques ou de croisière. Au début de cette année, ils en avaient plus de 900. En plus de cela, le représentant déclare qu’ils possèdent plusieurs milliers de missiles anti-aériens S-300, ayant une portée d’environ 120 kilomètres. Ils disposeraient aussi d’une réserve conséquente de S-400, une version plus moderne ayant une portée trois fois supérieure. En août, Vadym Skibitsky, le numéro deux du GUR, a mentionné le chiffre de 585 missiles ayant une portée de plus de 500 kilomètres.
En termes de capacités de production, on estime qu’elle serait d’environ une centaine de missiles balistiques ou de croisière par mois d’après plusieurs experts. En octobre, le GUR estimait cette production à 115 exemplaires par mois.
Selon plusieurs sources, la Russie aurait obtenu des missiles à courte portée de l’Iran et de la Corée du Nord, et continuerait d’en acheter. L’agence de presse Reuters a révélé que depuis janvier 400 missiles iraniens du type Fateh-110, ayant une portée de 300 à 700 kilomètres, lui ont été fournis suite à un accord. Le nombre de missiles nord-coréens acquis par la Russie reste incertain, mais 24 ont été lancés en Ukraine entre décembre 2023 et février 2024, d’après le procureur général Andriy Kostin. Suite à l’analyse des débris et des trajectoires par les experts, il semble qu’il s’agit probablement de missiles KN-23 et KN-24 avec une portée d’environ 400 kilomètres.
Concernant les avions de combat F-16, à la demande persistante du président ukrainien, les États-Unis ont approuvé en août 2023 le transfert de ces avions à l’Ukraine. Bien qu’il y ait potentiellement plus de 300 F-16 répartis en neuf pays européens, y compris en Belgique, au Danemark, en Grèce, aux Pays-Bas et au Portugal, tous ces pays ne peuvent pas instantanément céder leurs avions.
Volodymyr Zelensky avait annoncé que 42 F-16 avaient été promis par les alliés occidentaux à Kiev, mais cette information n’a pas été confirmée. Le Danemark s’est engagé à donner 19 de ces avions, les six premiers devraient être livrés d’ici la fin de 2023, suivis de huit autres en 2024 et cinq en 2025, selon la première ministre danoise Mette Frederiksen. Les Pays-Bas ont également promis d’en céder mais n’ont pas donné de chiffre précis sur le nombre d’unités à donner, malgré qu’ils en possèdent 42.
Les pilotes ukrainiens sont actuellement en phase d’apprentissage pour manipuler les avions de combat américains. Une formation soutenue par onze pays alliés qui ont promis de fournir un soutien. Cependant, l’OTAN a indiqué que les soldats ukrainiens ne seraient prêts à utiliser ces avions pour des missions de combat qu’au début de 2024, bien que certains experts pensent que ce ne serait pas avant l’été de cette année.
Qu’en est-il du soutien militaire que les alliés apportent à Kiev?
Deux ans après le début du conflit à grande échelle, le soutien occidental à Kiev est sur la pente descendante. Selon le dernier rapport de l’Institut Kiel publié en février 2024, l’aide promise pour la période d’août 2023 à janvier 2024 a diminué par rapport à la même période de l’année précédente. Cette tendance pourrait bien continuer alors que le Sénat américain éprouve des difficultés à conduire des mesures d’aide et que l’Union européenne a eu du mal à mettre en place une aide de 50 milliards de dollars en raison de l’obstruction hongroise. Il est important de noter que ces deux paquets d’aide ne sont pas pris en compte dans le dernier résumé fourni par l’Institut Kiel, qui se termine en janvier 2024.
Selon l’Institut allemand, le nombre de donateurs est en baisse, mais ceux qui restent sont majoritairement concentrés dans certains pays, notamment les États-Unis, l’Allemagne et les pays du nord et de l’est de l’Europe. Ces pays s’engagent à fournir à la fois une aide financière significative et des armes avancées. En somme, depuis février 2022, les pays qui soutiennent Kiev ont promis au moins 276 milliards d’euros en soutien militaire, financier et humanitaire.
Absolument, les nations les plus prospères se sont présentées comme les plus libérales. Avec plus de 75 milliards d’euros d’assistance dévoilée, dont 46,3 milliards en support militaire, les États-Unis sont indéniablement les principaux contributeurs. Simultanément, les pays de l’Union Européenne ont révélé des assistants bilatéraux (64,86 milliards d’euros) et des aides conjointes issues des fonds de l’Union Eurpéenne (93,25 milliards d’euros), culminant à un total de 158,1 milliards d’euros.
Cependant, lorsque ces contributions sont comparées au Produit Intérieur Brut (PIB) de chaque pays donateur, le tableau est différent. Les États-Unis dégringolent au vingtième rang, avec seulement 0,32% de leur PIB, retardant par rapport aux pays voisins de l’Ukraine ou les anciennes républiques soviétiques amicales. L’Estonie est en tête en termes d’aide par rapport au PIB, avec 3,55%, suivie par le Danemark (2,41 %) et la Norvège (1,72 %). La Lituanie (1,54 %) et la Lettonie (1,15 %) font partie du top cinq. Les trois États baltes, qui partagent tous des frontières avec la Russie ou son alliée, la Biélorussie, sont parmi les donateurs les plus généreux depuis le début du conflit.
En termes de pourcentage du PIB, la France se classe vingt-septième, avec seulement 0,07% de son PIB, légèrement derrière la Grèce (0,09%). L’aide de Paris diminue régulièrement depuis le début de l’invasion de l’Ukraine par la Russie. En avril 2023, la France était au vingt-quatrième rang et au treizième en été 2022.
Que savons-nous des tensions à la frontière entre l’Ukraine et la Pologne ?
Les conflits entre l’Ukraine et la Pologne sont fréquents depuis plusieurs mois, notamment en raison de l’importation de céréales ukrainiennes. Au printemps 2022, pour soutenir l’économie agricole ukrainienne, la Commission européenne avait proposé des « corridors de solidarité ». Ils permettaient aux produits agricoles ukrainiens d’être vendus sans taxes douanières en Moyen-Orient et en Afrique. Cependant, selon la Fondation Farm, une organisation qui examine les enjeux mondiaux de l’agriculture, près de la moitié de ces céréales terminent leur voyage au sein de l’Union européenne. Cette situation peut être délicate parce que le prix de ces céréales ukrainiennes est souvent plus bas que celui du blé produit localement, en particulier dans les pays d’Europe centrale.
Les pays comme la Pologne, la Bulgarie, la Hongrie, la Roumanie et la Slovaquie ont donc décidé en avril 2023 de mettre un terme à leurs importations de céréales ukrainiennes. Ils soutiennent que ces céréales font baisser les prix sur le marché local, ce qui nuit aux agriculteurs de leur pays. Bruxelles avait accepté cette mesure d’embargo à condition qu’elle n’entrave pas le transit vers d’autres pays et qu’elle ne dure que quatre mois. Cependant, comme Bruxelles estime maintenant que l’embargo n’a plus de justification, car leurs analyses ont confirmé qu’il n’y avait plus de déstabilisation des marchés nationaux céréaliers, Varsovie a toutefois refusé de rouvrir ses frontières aux céréales ukrainiennes à la fin de l’été, car elle considère que le problème initial n’est pas encore résolu.
Des agriculteurs en Pologne ont mis en place un blocus à la frontière polono-ukrainienne pour empêcher les camions ukrainiens de franchir la frontière nationale. Ces protestataires demandent un « embargo absolu » sur les produits agroalimentaires ukrainiens. Leur frustration provient de l’augmentation de leurs frais de production tandis que les prix sont extrêmement bas et que leurs silos et entrepôts sont surchargés. Le président ukrainien a déclaré au commencement de 2024 que le blocus à la frontière polonaise démontrait la « perte de solidarité » pour l’Ukraine, demandant des discussions avec la Pologne. Il a évoqué que « seule Moscou tire profit » de ces conflits et a condamné l’émergence de slogans clairement pro-Poutine.