Isabelle Stengers, Bruno Latour, Baptiste Morizot, Vinciane Despret, Nastassja Martin… Ces intellectuels de premier plan ont tous partagé l’estrade à La Manufacture d’idées, un festival qui réunit les préoccupations locales et globales, les enjeux écologiques et sociaux. « En 2012, l’objectif initial était d’organiser un événement de haute qualité dans une région rurale dédiée aux sciences humaines », partage Emmanuel Favre, l’actuel directeur et ancien libraire chez Sauramps à Montpellier. Cependant, le festival a rapidement recentré son attention sur les défis environnementaux, un enjeu crucial de notre époque qui suscite une véritable révolution intellectuelle.
Des penseurs de cet important changement comme l’anthropologue Philippe Descola, professeur au Collège de France, ont immédiatement adhéré à ce festival. M. Favre se rappelle la première participation de Descola en 2016, à une époque où le festival venait d’être lancé et demeurait relativement inconnu : « Philippe Descola était resté tout le long du festival, en assistant à tous les événements avec une générosité et une cordialité qui lui sont propres. »
À ses débuts, le festival avait lieu à Chasselas, un petit village de 180 habitants situé au cœur des vignobles du Mâconnais, où Emmanuel Favre vit. Cinq ans plus tard, en raison de son expansion rapide, le festival a dû déménager en 2017 dans la même région, à Hurigny.
Depuis lors, chaque année à la fin du mois d’août, le château de la ville et des tentes érigées dans son parc de 10 hectares accueillent durant cinq jours librairies, cafétérias, buvettes et food trucks locaux. Qu’il s’agisse de dialogues, de performances, de projections de films ou de spectacles de danse, chaque moment de la journée à La Manufacture d’idées est soigneusement planifié et conçu pour sa cohérence.
« Cartographie inversée »
De sorte que, l’édition de 2024, programmée du 21 au 25 août, débutera avec une conférence sur le « spatio-féminisme », présentée par la chercheuse Nepthys Zwer, experte en « contre-cartographie », à 16 heures. La conférence vise, parmi d’autres approches de compréhension des cartes et de la géographie, à dévoiler les injustices subies par les populations opprimées. Un échange concernant les « imaginaires féministes » entre la philosophe Emilie Hache et la politologue féministe argentine Veronica Gago se tiendra à 18 heures, suivi de la projection en première du film « La Chute du ciel » des cinéastes brésiliens Gabriela Carneiro da Cunha et Eryk Rocha. Le film se consacre à la cosmologie du peuple Yanomami d’Amazonie et à leurs luttes contre les mineurs d’or et l’agro-industrie.
Il reste à lire 58,94% de cet article. Les abonnés ont le plaisir de lire la suite.