Le soir du 9 juin, suite à une campagne européenne tumultueuse et infructueuse, Emmanuel Macron a pris une résolution qu’il considérait, comme à son habitude, comme une rupture. Sa décision, à la fois surprenante et choquante, a plongé le pays dans une crise. Était-il préoccupé par sa stratégie politique ou cherchait-il simplement à attirer l’attention des médias ?
Dans le domaine de la communication politique, le temps est l’unité de mesure fondamentale. D’abord, c’est un outil que le chef d’État détient : ses actions et décisions définissent le rythme de son « récit médiatique » et orientent le rythme politique du pays. Cependant, c’est un rôle qui, semble-t-il, a changé.
Au fil des jours, l’étonnement a changé de côté : Emmanuel Macron ne s’était pas préparé à l’unité de la gauche et à la fragmentation de la droite avec Eric Ciotti. Le temps, qui était un outil, s’est transformé en une contrainte. Dans les premières étapes d’une défaite législative anticipée, le maître du temps n’a pas repris le contrôle, il n’est que le spectateur du passage du temps. Jusqu’à quand cela continuera-t-il ? Jusqu’à la fin des Jeux Olympiques ? Jusqu’à la prochaine dissolution? Jusqu’en 2027 ?
Ce contexte impose deux limites majeures à la communication politique. Premièrement, elle ne peut être uniquement pensée comme une stratégie d’opinion segmentée en parts de marché. L’opinion publique ne représente pas le peuple et on ne s’adresse pas aux citoyens et aux consommateurs de la même manière.
Ce trouble reflète une tendance politique plus étendue : le renversement des dynamiques de communication. Chaque individu a sa propre manière de communiquer : la parole rare mais puissante de François Mitterrand et de Jacques Chirac, la présence omniprésente de Nicolas Sarkozy, le paradoxe de la « présidence normale » de François Hollande… Emmanuel Macron, président du « ni-ni », fidèle à son comportement habituel, a décidé de ne pas faire un choix et tente d’unifier les opposés : une présidence omniprésente et une discussion apparemment rare, une mise en évidence de l’écoute et une volonté d’un discours performant.
Cela domine la « rareté » de Jacques Pilhan [1944-1998, conseiller en communication de François Mitterrand et de Jacques Chirac] et transforme l’extraordinaire en un bruit médiatique fatiguant. Lettres aux citoyens français, annonces télévisées, interviews télévisées : en exploitant constamment les extraordinaires moyens de communication de la République, le président les a affaibli.
Vous avez encore 47,8% de cet article à lire. Le reste est réservé aux abonnés.