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7 août 2024 0 h 12 min

Niger: Kemi Seba, « conseiller spécial » du chef

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Dans une démarche symbolique de défi à l’Occident, Kemi Seba a affiché une photo de son nouveau passeport diplomatique sur les médias sociaux, considérant cela comme un petit triomphe. Suite à l’annulation de sa citoyenneté française par la Françafrique, suite à plusieurs condamnations pour incitation à la haine raciale, le dirigeant du Niger, le révolutionnaire et visionnaire général Abdourahamane Tiani, lui a accordé cette position prestigieuse. Kemi Seba l’a annoncé sur le réseau social X le dimanche 4 août.

Prenant la nouvelle dimension de ‘conseiller spécial’ du chef de la junte qui a pris le contrôle de Niamey lors d’un coup d’Etat le 26 juillet 2023, il exhibe sans cesse sa proximité avec les adversaires de la France en Afrique. Notamment le Général Tiani, qui, après avoir été le chef de la garde présidentielle, a orchestré la destitution de Mohamed Bazoum, dernier allié fiable de la France au Sahel. Kemi Seba a qualifié le dirigeant déchu de « marionnette de la Françafrique » dans une vidéo qu’il a publiée sur sa page Facebook début juin.

Kemi Seba s’est fait connaître en Afrique en 2017, suite à ses actes anti-occidentaux, et notamment après avoir publiquement brûlé un billet de 5 000 francs CFA à Dakar. Expulsé ensuite du Sénégal et de la Côte d’Ivoire, il continue de se déplacer vers les zones où l’influence occidentale régresse, en parallèle avec la progression de celle de Moscou.

La Russie a exercé son influence en Afrique à travers un individu Béninois, en utilisant le groupe de sécurité russe Wagner pour financer ses opérations sur le continent à hauteur de centaines de milliers d’euros, selon des révélations de sources telles que Jeune Afrique, Arte et Die Welt. Le but de ces opérations était de mobiliser des protestations anti-occidentales, d’identifier et de soutenir les groupes locaux et les personnalités prédisposées à diffuser la propagande russe dans leur pays au moment le plus approprié.

La mort d’Evgueni Prigojine, le chef de Wagner, dans un accident d’avion en août 2023, n’a apparemment pas eu d’impact sur les activités de Kemi Seba. Ces deux dernières années, il a été successivement accueilli par les dirigeants de juntas au Mali, au Burkina Faso et au Niger, des pays qui ont tous expulsé les forces militaires et les ambassadeurs français et se sont rapprochés de la Russie.

Kemi Seba, en particulier, a visité le Niger deux fois depuis le coup d’État du Général Tiani. Il s’est rendu pour la première fois à la fin du mois de septembre 2023, juste après que le président Macron a annoncé le retrait des forces françaises du pays. À son arrivée à Niamey, aux portes de la base militaire française, Seba a galvanisé la foule en annonçant son soutien au Conseil National pour la Sauvegarde de la Patrie (CNSP), l’entité dirigeante de la junte, et en dénonçant la « Françafrique ».

En mai, à l’époque où les forces américaines commençaient leur retrait du Niger, achevé le 5 août, Kemi Seba est revenu. Il est arrivé suite à l’arrivée de cent paramilitaires russes de l’Africa Corps, précédemment connu sous le nom de Wagner, à Niamey. Il a déclaré lors d’une apparition à la télévision nationale que tous les politiciens luttant contre le néocolonialisme auront le soutien des panafricains.

Dans le passé, Seba a dirigé la Tribu Ka, un groupe ouvertement antisémite et ségrégationniste qui a été démantelé par les autorités françaises en 2006. Il a déclaré que la France essayait de déstabiliser le Niger depuis son pays d’origine, le Bénin. Ni la France ni son pays d’origine ne l’ont accepté, l’accusant de tenter de provoquer l’instabilité. « Les charges portées par cet activiste sont risibles », a déclaré le porte-parole du gouvernement béninois Wilfried Houngbédji lors d’une conférence de presse le 22 mai.

Les déclarations de Kemi Seba ont été à l’origine d’une tension diplomatique persistante entre Niamey et Porto-Novo. La junte a même refusé de rouvrir sa frontière avec le Bénin, empêchant l’exportation de pétrole brut des puits nigériens vers le port de Sèmè-Kpodji au Bénin.

Kemi Seba, surfant sur les tensions diplomatiques au Sahel, adopte un discours semblable à celui plusieurs fois émis par son nouveau chef, le général Tiani. Lors d’une interview à la télévision nationale le 3 août, ce dernier a réitéré ses accusations contre des espions français qu’il accuse d’avoir été expulsés du pays pour fournir des équipements militaires aux terroristes de Boko Haram et Iswap, deux factions djihadistes. Son objectif serait de permettre à Paris de réaliser son désir malsain de déstabiliser le Niger. Il ajoute que le Bénin serait complice, abritant des bases françaises, une affirmation déjà répétée par le régime militaire sans aucune preuve.

Au Mali et au Burkina, le même discours, sans preuve concluante, a été tenu par les régimes militaires, leurs alliés russes et leurs intermédiaires. Parmi ces derniers, on retrouve Kemi Seba, qui s’est rendu à Bamako en juin 2023, à une période où les forces de l’ONU étaient progressivement évincées par le régime du colonel Assimi Goïta. Un an plus tard, il se rendait à Ouagadougou, où les « Bears », un nouveau groupe paramilitaire associé au ministère russe de la défense, avaient été déployés pour protéger le pouvoir vacillant du capitaine Ibrahim Traoré.