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En Haïti, le système judiciaire est impuissant contre les bandes criminelles

L’atmosphère est semblable à celle d’une fête foraine au tribunal spécifique du travail, situé dans la capitale haïtienne, Port-au-Prince, où le soleil règne en maître. Des libraires ont disposé leur stock de livres de droit d’occasion en un endroit ombragé de la cour. Des personnes lambda approchent les visiteurs et offrent leurs services juridiques. Au fond de cette cour, dans un bâtiment terne de plain-pied, des fonctionnaires en costume et cravate sont entassés dans des pièces étroites et spartiates. « Notre bureau d’accusation est ruiné », déplore Lionel Constant Bourgoin, le représentant gouvernemental – un poste similaire à celui du procureur de la République – de Port-au-Prince. « Les gangs ont expulsé les juges de leur tribunal. »
Cette situation persiste depuis le pillage du palais de justice dans le quartier du Bicentenaire en juin 2022 par des bandits armés du Village-de-Dieu, un bidonville voisin. Tout comme ces quartiers du centre-ville, 80 % de Port-au-Prince est contrôlé par des gangs qui terrorisent la population en toute impunité. « Beaucoup de cas sont restés au Bicentenaire », regrette le juge du ministère public.
Des locaux mutualisés.

À la suite de l’attaque mentionnée, le tribunal de première instance à Port-au-Prince, le plus grand des dix-huit juridictions du pays, a trouvé refuge dans des locaux qu’il partage maintenant avec le tribunal spécial du travail. Un fonctionnement par alternance a été mis en place entre les deux entités: le conseil des prud’hommes fonctionne deux jours par semaine, les mardis et jeudis, puis le reste de la semaine est dévolu au tribunal de première instance et au parquet. M. Bourgoin explique que vingt-deux substituts occupent à tour de rôle ces bureaux, sans fenêtres ni climatisation, situation qui influence négativement leur productivité judiciaire et la sécurité des juges.

Cependant, à cause d’un manque de financement, l’amélioration des conditions de travail dans les tribunaux haïtiens ne semble pas d’être à portée de main. Marthel Jean-Claude, le président de l’Association professionnelle des magistrats, critique le fait que le budget de l’État ne contient que 1% pour la justice. Selon lui, ce budget sert uniquement à payer les fonctionnaires, ce qui en soi ne représente qu’un défi parmi tant d’autres.

M. Jean-Claude demande plus d’investissements pour rénover des locaux clairement « inadéquats » et pour financer les procédures judiciaires. Les conditions de travail « misérables » exacerbe la situation, avec des grèves perpétuelles de la part des greffiers, avocats et juges, ce qui entrave encore plus le fonctionnement de l’institution. M. Jean-Claude exprime sa préoccupation en insistant sur le fait que les enquêtes n’aboutissent pas. Selon lui, la justice est presque dysfonctionnelle dans la région métropolitaine de Port-au-Prince.

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