Trois candidats à l’élection présidentielle du 7 septembre en Algérie, Saïda Neghza, Belkacem Sahli et Abdelhakim Hamadi, ont été soumis à un contrôle judiciaire le dimanche 4 août, accusés d’avoir commis de la corruption politique en achetant des soutiens d’élus. La présidente de la Confédération générale des entreprises algériennes (CGEA), le secrétaire général de l’Alliance nationale républicaine (ANR) et le directeur d’un laboratoire de produits vétérinaires ont tous vu leur candidature refusée par la Cour constitutionnelle le 31 juillet. Ce jour-là, après avoir été entendus par un juge du pôle pénal économique et financier, ils ont pu éviter l’émission d’un mandat de dépôt.
Dans le contexte de la collecte de signatures pour l’élection présidentielle, 68 autres personnes, comprenant des élus locaux et des intermédiaires, ont étaient accusées de corruption. Pour que la candidature soit validée, le candidat doit collecter 600 signatures d’élus de différentes assemblées ou 50 000 signatures d’électeurs inscrits. Des élus auraient avoué « avoir reçu des sommes d’argent allant de 20 000 à 30 000 dinars [soit de 135 à 202 euros] en contrepartie de la signature de formulaires de soutien aux candidats », selon le juge d’instruction Lotfi Boudjema, qui a été cité par les médias algériens.
Dans une déclaration, le bureau du procureur a annoncé qu’une enquête judiciaire a été lancée à l’encontre de certains candidats pour diverses accusations, y compris l’octroi de privilèges indus, le trafic d’influence, l’offre ou la promesse de dons financiers afin d’obtenir des votes, l’abus de pouvoir, l’obtention de promesses de votes et la fraude. Parmi les seize candidatures soumises à l’Autorité nationale indépendante des élections (ANIE), seules trois ont été approuvées : celle du président en exercice Abdelmadjid Tebboune, celle d’Abdelaali Hassani Cherif du Mouvement pour la paix (MSP, islamiste), et celle de Youcef Aouchiche du Front des forces socialistes (FFS, social-démocrate).
Avant même de se faire auditionner par le juge, Saïda Neghza avait déjà exprimé des soupçons sur le fait que sa candidature à la présidence rencontrerait des obstacles. Le 26 juillet, l’entrepreneuse a accusé l’ANIE de « fraude » sur sa page Facebook, déclarant que des pressions étaient exercées sur les élus pour les amener à affirmer que les formulaires avaient été « achetés ». Elle a également exprimé son étonnement face à l’annulation de 168 formulaires de parrainage dans son dossier, invoquant des « doublons », car des signatures identiques avaient apparemment été accordées à d’autres candidats, une situation que le processus de numérisation aurait dû éviter.
Sans mentionner directement le président, Saïda Neghza a remis en question la véracité des formulaires compilés par Abdelmadjid Tebboune : « L’un des candidats prétend avoir recueilli 300 000 signatures. Je le somme de démontrer qu’il s’agit véritablement de signataires citoyens et je demande à l’autorité électorale de les divulguer », a-t-elle formulé.
Est-ce que la candidate risquait de perturber un vote déjà anticipé ? Connu pour être une épine dans le pied du régime, Saïda Neghza a exprimé ses critiques à propos de la gestion économique du pays sous le règne d’Abdelmadjid Tebboune dans une correspondance ouverte diffusée en septembre 2023. Elle avait mis en évidence l’existence d’un comité de cinq ministres qui imposait des amendes excessivement élevées aux entreprises, dans un total non-respect du système de droit. Juste après la diffusion de sa lettre, elle avait choisi de passer de nombreux mois à voyager à l’étranger et avait maintenu un profil bas… jusqu’à sa candidature à la présidence, annoncé de manière inattendue le 10 juin.