Kaïs Saïed, le dirigeant de la Tunisie, a dévoilé sa décision de participer à l’élection présidentielle prévue pour le 6 octobre, lors d’une annonce officielle le 5 août. Passant publiquement son message à Tunis, cet homme de 66 ans a exprimé que son intention de se porter candidat est motivée par une « lutte pour l’émancipation et l’autodétermination », dans le but de « fonder une nouvelle république ».
Toutefois, d’autres potentiels candidats pourraient trouver le chemin vers la présidence beaucoup plus difficile. Les règles d’éligibilité sont très strictes: une garantie de dix députés ou quarante chefs de communautés locales est nécessaire – un soutien évident pour Saïed – ou l’obtention de 10 000 voix d’électeurs, avec un minimum de 500 signatures par région, un objectif considéré difficile à atteindre selon les experts.
De plus, nombreux sont les candidats potentiels actuellement emprisonnés ou en cours de poursuite. Depuis sa prise de contrôle en juillet 2021, après des mois de crise politique où il a renvoyé le premier ministre et suspendu le Parlement pour ensuite le dissoudre, Saïed détient tous les leviers du pouvoir. Toutefois, il rejette l’accusation que ses mesures répriment les détracteurs, en insistant sur le fait que « la loi est appliquée de manière équitable à tous » et qu’il n’y a aucune restriction.
Abir Moussi, une porte-parole de l’opposition, a été condamnée à deux ans de prison.
La candidature d’Abir Moussi est soumise deux jours après l’annonce d’une autre, mise en avant par ses avocats. Cette dernière, qui est une fervente adversaire du président, a été emprisonnée depuis Octobre. Lundi dernier, elle a reçu une condamnation de deux ans de prison, en vertu du « Décret 54 », une loi érigée en 2022 par le président Saïed pour combattre les « fausses nouvelles ». L’Instance Supérieure Indépendante pour les Élections (ISIE) a porté plainte contre Moussi en février, après qu’elle ait publiquement critiqué cette institution au moment où la Tunisie entrait dans la course présidentielle.
Moussi était une députée de 49 ans, qui a été arrêtée le 3 Octobre dernier devant le palais présidentiel de Carthage. Selon son parti, elle était là pour déposer des plaintes contre les décrets de M. Saïed. Si sa sentence est confirmée en appel ou suite à d’autres procédures judiciaires, elle sera interdite de se présenter aux élections, car un casier judiciaire impeccable est une obligation pour tous les candidats.
Par ailleurs, elle fait face à d’autres accusations graves, dont celle d’avoir tenté de « changer la forme du gouvernement », car on suspecte qu’elle voulait réinstaurer un régime semblable à celui renversé par Ben Ali en 2011, suite à la première révolte du Printemps arabe.
Trois autres candidats ont déclaré lundi soir que les autorités ont rejeté leurs demandes de rafraîchissement de leurs casiers judiciaires. C’est un document requis pour tous ceux qui veulent se présenter aux élections avant la date limite du 6 août.
Toutefois, l’ancien ministre Mondher Zenaïdi a annoncé dans une vidéo sur Facebook que « l’autorité, sous les ordres de Saïed, a refusé de lui fournir le casier judiciaire ».
Dans un post sur Facebook, l’amiral retraité Kamel Akrout a exprimé sa frustration envers les autorités qui ont refusé de lui fournir son casier judiciaire, citant comme raison que la « profession » sur sa carte d’identité était « obsolète ». Il a ajouté que l’autorité actuelle s’efforce d’éliminer tous les dissidents, conduisant à un régime non démocratique qui repousse le pluralisme et l’alternance pacifique du pouvoir.
Le célèbre rappeur et homme d’affaires, Karim Gharbi, également connu sous son nom de scène K2Rhym, a été condamné à huit mois de prison lundi dernier. Suite à sa condamnation, il a publié une vidéo sur Facebook, présentant une lettre qui ne justifiait pas le refus de sa demande de casier judiciaire.
L’organisation Amnesty a critiqué les « détentions arbitraires ». La semaine passée, un tribunal a condamné à des peines de prison de deux à quatre ans, quatre femmes qui travaillaient pour K2Rhym, pour achat de parrainages. De plus, trois collaborateurs de Nizar Chaari, propriétaire d’un site d’information, ont également été incarcérés pour des accusations similaires, accusations que le candidat a formellement niées.
La même semaine, une coalition d’une trentaine d’ONG, incluant la Ligue tunisienne des droits de l’Homme, a décrié les « arrestations arbitraires » de candidats, critiqué une autorité électorale qui a « perdu son indépendance » et a condamné la « monopolisation de l’espace public » ainsi que « l’utilisation des ressources de l’État en faveur d’un candidat au détriment des autres ».
Agnès Callamard, la responsable d’Amnesty International, a exprimé son inquiétude en fin juillet sur le déclin flagrant des libertés fondamentales dans le lieu d’origine du Printemps arabe. Au début de la campagne, Callamard a révélé qu’elle a remarqué un régime de terreur instauré par le gouvernement, empêchant ainsi le développement des actions politiques diversifiées. Elle a vigoureusement critiqué les « arrestations abusives » de contestataires, les « limitations et procédures » contre certains candidats politiques, ainsi que l’incarcération de professionnels de la presse.
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