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Bangladesh: Sheikh Hasina démissionne après manifestations

Après avoir dirigé le Bangladesh pendant quinze ans, Sheikh Hasina a abandonné le poste de Premier ministre et a quitté Dacca, la capitale, le lundi 5 août. Suite à son départ, des négociations ont été lancées pour établir un gouvernement provisoire, selon les déclarations de Waker-uz-Zaman, le chef d’armée du pays lors d’une allocution nationale diffusée peu après le départ de Sheikh Hasina.

Il a également mentionné que les leaders des partis politiques majeurs du pays prennent part à ces discussions avec l’armée. Le général, vêtu d’un uniforme militaire et soutenu par deux officiers supérieurs, a révélé qu’il aurait un entretien avec le président de la République populaire du Bangladesh, Mohammad Shahabuddin. Il a aussi annoncé avoir déjà engagé le dialogue avec les principaux partis d’opposition et des acteurs de la société civile, mais pas avec la Ligue Awami, sous la direction de Sheikh Hasina.

Sheikh Hasina a quitté Dacca à bord d’un hélicoptère, a révélé une source anonyme proche de l’ancienne dirigeante. Des images montrant une foule de personnes entrant dans la résidence de Sheikh Hasina et saluant la caméra ont été diffusées par la chaîne Channel 24 du Bangladesh.

Le même jour, face au couvre-feu et aux forces de sécurité, des centaines de milliers de manifestants anti-gouvernementaux ont défilé dans les rues de Dacca, un jour après une journée mortelle où les affrontements ont fait au moins 94 victimes à travers le pays. La déclaration de l’armée est claire : « nous sommes avec le peuple ».

Dans son discours à la nation, le général a admis que le pays avait enduré de grandes souffrances. La violence a causé de nombreuses morts et a eu un impact négatif sur l’économie. Il a indiqué qu’il était temps de mettre un terme à cette violence. Si l’amélioration de la situation était tangible, il assure qu’il n’y aurait pas besoin de décréter l’état d’urgence. Il a promis par ailleurs que les nouvelles autorités mettraient tout en œuvre pour régler tous les meurtres survenus pendant les semaines de manifestations violentes. Il a aussi demandé aux étudiants de garder leur calme et d’aider au rétablissement de l’ordre.

Le général Waker-Uz-Zaman avait été désigné comme chef d’état-major des armées par le gouvernement bangladais fin juin, peu de temps avant le début du mouvement de protestation. Le samedi, il a affirmé dans une déclaration que l’armée continuerait à se tenir au côté du peuple.

Sajeeb Wazed, le fils de Sheikh Hasina, a exhorté lundi les forces de l’ordre à empêcher toute tentative de coup d’État, alors que des milliers de protestataires réclament le départ de la dirigeante au pouvoir depuis 2009. Dans un post sur Facebook, Wazed, qui est un homme d’affaires et politicien vivant aux États-Unis, a rappelé aux forces de sécurité leur devoir de protéger la population et le pays, ainsi que de maintenir le respect de la constitution. Il a insisté sur le fait qu’elles ne devraient pas laisser un gouvernement non élu prendre le pouvoir, même pour une minute.

Un dimanche soir, un couvre-feu a été imposé dans le pays. Avec un accès à internet désormais sévèrement restreint, les 3 500 usines du pays ont été contraintes de fermer leurs portes. Lors de violences éclatés le dimanche entre les forces de sécurité, les opposants à Mme Hasina et les soutiens du parti au pouvoir, le bilan s’est élevé à 94 morts à travers le pays. Ce fut le jour le plus meurtrier depuis le commencement des protestations contre le gouvernement il y a un mois dans cette nation musulmane de 170 millions de citoyens, marquée par des contestations étudiantes en réaction à l’injustice du chômage élevé parmi les diplômés et le favoritisme en faveur des alliés au pouvoir pour obtenir des postes administratifs.

Le bilan des pertes comprend au moins quatorze officiers de police, informe le porte-parole de la police, Kamrul Ahsan. Les confrontations se sont faites à armes blanches et à coups de gourdins entre les camps adverses; les forces de sécurité ont riposté en utilisant des balles réelles. Selon la police, un poste de police à Enayetpour (nord-est) a été assiégé et onze policiers ont été tués.

Dacca s’est métamorphosé en une véritable zone de combat; une horde de plusieurs milliers de protestataires a incendié des véhicules à proximité d’un hôpital, selon un autre membre de la police. Des manifestants ont été aperçus tentant de démolir une statue du père de Mme Hasina, le fondateur du Bangladesh Sheikh Mujibur Rahman, à l’aide de marteaux. À Dacca, divers tirs et explosions ont retenti après le crépuscule pendant que les manifestants bravent le couvre-feu.

Les affrontements récents sont parmi les plus dévastateurs depuis Mme Hasina est devenue dirigeante il y a quinze ans. Afin de maintenir la paix, son gouvernement a pris plusieurs mesures telles que la restriction d’Internet, la fermeture des établissements éducatifs, l’introduction d’un couvre-feu et le déploiement de l’armée.

Ce n’est pas surprenant que d’anciens officiers militaires ont exprimé leur alliance avec les manifestants. Symboliquement, ils ont défié la première ministre, particulièrement l’ancien chef de l’armée, le général Ikbal Karim Bhuiyan, et d’autres ex-dirigeants supérieurs. Ils ont insisté sur le retrait des troupes de la rue en faisant remarquer que les citoyens étaient « prêts à sacrifier leur vie ».

Dans plusieurs situations, des forces de l’ordre et des militaires n’ont pas agi contre les manifestants, en contraste avec le mois précédent. « Ceux qui ont conduit les citoyens de ce pays à une telle misère devront être jugés », a déclaré M. Bhuiyan.

Le pays se heurte à un problème d’un haut taux de chômage chez les diplômés. Les étudiants demandent la fin d’un système de quotas pour l’emploi des familles de vétérans de l’indépendance. Ce système, partiellement aboli en 2018, a été réinstauré en juin par la cour, ce qui a déclenché la colère avant que la Cour suprême ne fasse volte-face à la fin de juillet. À partir du 16 juillet, la crise sociale s’est transformée en une crise politique suite aux premières victimes de la répression, les manifestants exigeant la démission de Mme Hasina à ce moment.

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