Le premier jour du mois d’août a marqué l’engagement de la Russie dans un échange extraordinaire de détenus avec plusieurs pays dont les États-Unis, l’Allemagne, la Pologne, la Norvège et la Slovénie. Dans cet échange, huit espions russes emprisonnés à l’étranger ont retrouvé la liberté en échange de trois Américains, un Allemand qui avait été condamné à mort en Biélorussie, et douze prisonniers politiques russes.
Ce qui est particulièrement remarquable dans cet accord, c’est le nombre important de personnalités de l’opposition qui ont été libérées. Ceci malgré l’échec précédent de l’échange concernant Alexei Navalny plus tôt dans l’année. Pour parvenir à rapatrier certains de ses agents de services spéciaux, le président russe Vladimir Poutine a dû accepter de donner la liberté, et par conséquent la vie, à certains des démocrates russes les plus tenaces. Il a dû faire de lourds sacrifices pour permettre le retour au pays de ses employés, en particulier Vadim Krassikov. Il est essentiel de comprendre cette situation.
Krassikov, qui est un officier du FSB, le service de renseignement, avait été désigné pour assassiner un ancien dirigeant tchétchène d’origine géorgienne en août 2019 à Berlin. Il a été arrêté par la police allemande et s’est trouvé condamné à perpétuité en 2021 pour ses actes. Poutine désirait le récupérer et n’a pas hésité à le faire savoir. Cependant, le gouvernement allemand a refusé catégoriquement de considérer Krassikov comme une monnaie d’échange.
Notons la dynamique inégale de cette transaction, avantageuse de manière surprenante pour les Occidentaux et la résistance russe. D’un côté, Moscou avait pris en otage un ex-militaire américain, Paul Whelan, et deux journalistes américains Evan Gershkovich et Alsou Kourmacheva, jugés et emprisonnés sans procès équitable. Pour ajouter un enjeu plus élevé, le dirigeant biélorusse Alexandre Loukachenko avait arrêté un jeune Allemand, Rico Kreiger, vers fin 2023, il l’avait condamné à la peine de mort puis lui avait remis sa peine. Le Kremlin était donc bien conscient qu’il devait offrir bien plus que les otages américains et allemand pour récupérer Vadim Krassikov.
Une situation d’urgence et une économie de guerre
Vladimir Poutine doit gagner la confiance du FSB, du GRU (le service de renseignement militaire) et de leurs unités spéciales, dont il a un besoin impératif pour poursuivre la guerre. La guerre en Ukraine persiste, épuise les troupes, et met à rude épreuve les commandants de diverses unités militaires, qui entretiennent des rapports tendus avec les services de renseignement, devenus de plus en plus dominants dans la gestion de la guerre. Les Russes vivent de facto en situation d’urgence et dans une économie de guerre, sous la surveillance étroite du FSB.
C’est en février 2022, contre l’avis de hauts responsables des renseignements et des armées, que Vladimir Poutine a décidé de lancer l' »opération militaire spéciale » censée faire capituler Kiev en deux semaines. Aujourd’hui, il doit assumer les conséquences car les choses ne se sont pas déroulées conformément à ce qu’il avait envisagé dans sa paranoïa d’éradiquer l’Ukraine.
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