Sans aucun doute, sans le décès de Guy Jouvet le 18 juillet, nous n’aurions jamais perçu « La Vie et les opinions de Tristram Shandy, gentilhomme» de Laurence Sterne (1713-1768) comme l’œuvre unique et non conventionnelle qu’elle est. Bien que les neuf premiers volumes du roman, largement approuvés dès sa sortie en Angleterre et ailleurs, aient été présentés au public français dès le règne de Louis XVI, les efforts pour rendre justice à ce roman – considéré par le théoricien russe Viktor Chklovski (1893-1984) comme « le plus emblématique de la littérature mondiale » – ont été limités. Seules quatre tentatives ont été faites avant que Guy Jouvet n’accepte le défi.
Malgré l’enthousiasme de Diderot, de Hoffmann, de Nodier, et plus tard de Nietzsche et de Joyce, cela n’a pas fait beaucoup bouger les choses.
En 1987, lorsqu’ils ont créé l’association qui est devenue leur maison d’édition en 1995, Sylvie Martigny et Jean-Hubert Gailliot ont fait de ce roman de Sterne leur inspiration, le considérant à la fois comme le « summum de l’humour » et une « révolution romanesque ». C’est là qu’est née la promesse de Tristram.
Ce nom a rapidement conduit Jean-Michel Rabaté, un expert de la littérature anglaise alors en poste à l’université de Dijon, à recommander Guy Jouvet au duo comme le seul »capable de traduire Sterne comme il se doit ».
Guy Jouvet, né à Imphy (Nièvre) près de Nevers le 10 mai 1936, est un professeur de philosophie et non un angliciste. Il a fait des études avancées, bien que son père, orphelin à un jeune âge, ait dû travailler dès l’âge de 12 ans. Grâce à l’éducation nocturne, son père a réussi à terminer sa carrière comme sous-directeur des aciéries d’Imphy. Jouvet, en revanche, progresse à travers le système scolaire, obtenant d’abord une position d’étudiant-professeur en gagnant une place dans un institut de formation pour le secondaire. Il suit les cours préparatoires au lycée Carnot à Dijon et réussit finalement à obtenir une agrégation de philosophie.
Ayant occupé de nombreux postes, tous situés en Bourgogne, Jouvet se consacre bientôt à l’enseignement des enseignants. Il travaille toujours à Dijon, initialement à l’école normale d’instituteurs, puis à l’institut universitaire de formation des maîtres. Jouvet se tourne souvent vers les œuvres de Laurence Sterne pour nourrir ses cours, traduisant de nombreux textes narratifs et non narratifs, même s’il ne prévoyait pas initialement de les publier.
En 1989, lorsque Tristram l’a approché, Jouvet était encore actif. Jouvet était initialement réticent à l’idée de travailler sur une traduction, bien qu’il ait précédemment traduit des lettres et des écrits politiques de Sterne pour son propre bénéfice. Il ne se considérait pas comme un traducteur professionnel et hésitait à retravailler un texte déjà traduit. Après avoir testé son habileté sur les parties qu’il jugeait les plus compliquées, Jouvet a finalement accepté. Toutefois, s’il a accepté le défi de traduire une œuvre qui croise sa passion pour la philosophie et la littérature au XVIIIe siècle, époque également représentée par Samuel Richardson (1689-1761) et Henry Fielding (1707-1754), c’était selon ses propres termes. Il voulait une totale indépendance et aucun délai à respecter.
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