« Chaque enfant des années 90 qui passait ses mercredis à regarder TF1 se souvient du générique du Club Dorothée. C’était une séquence de 90 secondes tournée en vue à la première personne, qui nous faisait courir à travers les vastes studios d’AB, parcourir les couloirs et traverser les plateaux des sitcoms tel que Premiers baisers, Hélène et les garçons, Le Miel et les abeilles. La caméra manœuvrait entre les techniciens, s’arrêtait pour être saluée par les acteurs, contournait les décors et finissait sa course en régie, où tout était dirigé.
Marcher dans ces mêmes lieux trente ans plus tard, il est difficile de retrouver des traces de ce passé vibrant et haut en couleur. Les studios de la rue de la Montjoie, à Saint-Denis, ont depuis longtemps été vendus et il ne reste que les marques des portraits des stars d’AB sur les murs du couloir d’entrée. Dans un entrepôt, des graffitis « Club Dorothée» persistent sur un mur, caché par des étagères bourrées de planches. Ici, on s’affaire à la préparation des décors pour une publicité ; là-bas, c’est l’enregistrement de la mini-série de M6, Scènes de ménages. L’activité continue, mais elle n’a plus rien de ce qu’elle était autrefois. »
« « Tout est si paisible maintenant… », note notre guide tout en se frottant pensivement à un éclat de peinture sur le mur. Ancien producteur exécutif du Club Dorothée, Thierry Bastian, se souvient avec vivacité de l’agitation constante dans cette grande fabrique de rêves en carton. L’émission menée par Dorothée était diffusée en direct, insufflant une énergie électrisante à l’ensemble du programme. « Il m’arrivait fréquemment de galoper dans les couloirs pour aller déloger un acteur sur le plateau de tournage de sa comédie parce qu’il devait immédiatement venir interpréter son titre en playback sur le « Club Do’ » », se souvient-il.
Géant de la télévision
À l’apogée de la gloire d’AB lors de l’été 1994, quatre de ses comédies occupaient les après-midi sur la première chaîne : Le Miel et les Abeilles, Premiers Baisers, Hélène et les Garçons, et Les Filles d’à côté. D’autres émissions comme Le Miracle de l’Amour, Les Années Fac, et La Croisière Foll’amour, ont suivi. Au total, plus de vingt séries ont été tournées dans ces studios. Quelques-unes ont laissé une empreinte indélébile dans les esprits, tandis que d’autres n’ont permané que quelques mois, et seuls quelques-uns se rappellent d’Extra Zigda ou de L’Ecole des Passions. »
Initialement, rien n’avait été prévu par le terrible duo de producteurs, Azoulay-Berda, qui ont été propulsés par le « Club Dorothée » pour construire une bête de la télévision qui devait être alimentée. Ils ont rapidement compris qu’il était plus judicieux de détenir leur propre moyen de production plutôt que de louer tout : ils ont commencé à embaucher une partie des employés en CDI et à construire leurs propres studios dès 1988 sur des terrains industriels à la Plaine-Saint-Denis, parfois sans même attendre l’approbation de la construction. Ils devaient donc produire pour compenser les coûts, d’autant plus que Claude Berda continuait à s’accaparer du temps d’antenne sur TF1, forçant Jean-Luc Azoulay à suivre le rythme en créant toujours plus de programmes.
Pour lire la suite de cet article, il reste 71,83% à consulter. Cette partie est réservée aux abonnés.