Les tribunes ont été le théâtre de confrontations entre différentes versions. Le 20 juillet, dans Le Monde, quatre scientifiques affiliés à la Commission indépendante concernant les abus sexuels au sein de l’Eglise (Ciase) ont mis en lumière de nouvelles preuves accusant Henri Grouès, mieux connu sous le nom de l’abbé Pierre (1912-2007), d’abus sexuels. L’allégation était directe et sans excuse : « Les affaires ont été étouffées par les évêques au courant et les responsables d’Emmaüs. »
Le 26 juillet, dans Le Figaro, l’archevêque Éric de Moulins-Beaufort, président de la Conférence des évêques de France (CEF), a riposté, affirmant que « Beaucoup d’évêques n’étaient pas au courant de tout sur l’abbé Pierre. Cependant, je peux certainement affirmer que tous les évêques actuels sont (…) dédiés à l’oeuvre nécessaire pour que la vérité éclate. » Quelques jours auparavant, dans La Croix, Martin Hirsch, président d’Emmaüs France (2002-2007), a abordé le soi-disant « secret d’Emmaüs » concernant l’abbé Pierre, dévoilant des « pulsions » et une « maladie » pour laquelle le prêtre aurait reçu « un traitement ».
De la même manière qu’avec chaque affaire d’abus sexuels qui devient une nouvelle de premier plan, les mêmes questions se posent : qui était au courant de quoi et depuis combien de temps ? Ces questions ont fait surface suite à un rapport commandé par Emmaüs France, Emmaüs International ainsi que la Fondation Abbé Pierre auprès du cabinet Egaé et qui révélait début juillet que l’abbé Pierre aurait commis des violences à l’encontre d’au moins sept femmes entre 1970 et 2005.
« Monstre sacré »/.
Une omerta de 75 ans, ont protégé autant une personnalité vénérée que les institutions qui lui étaient associées, sans qu’il soit clair qui était réellement au courant des agressions ou qui dissimulait simplement le non-respect du vœu de chasteté de la personne qui a été ordonnée prêtre en 1938.
Chez Emmaüs France, les affaires sexuelles de l’abbé Pierre sont un secret ouvert. Toutefois, ils ne devaient pas quitter l’organisation. « Les comportements de l’abbé Pierre étaient l’objet de plaisanteries, d’allusions. On entendait dire qu’il avait des mains baladeuses. Ce n’était pas un sujet en lui-même », avoue Juliette, une ancienne employée de l’organisation qui a demandé à rester anonyme. Denis Lefèvre, l’auteur du livre « Les Combats de l’abbé Pierre » (Le Cherche Midi, 2011), a également entendu quelques rumeurs à l’époque. « Quelques responsables des communautés Emmaüs m’avaient dit qu’il y aurait probablement des scandales après la mort de l’abbé Pierre. Des rumeurs couraient sur ses relations ambiguës avec les femmes », se rappelle-t-il. Cependant, le journaliste n’avait pas cherché à approfondir l’affaire, affirmant qu’il n’osait pas s’attaquer à « un monstre sacré ».
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