Deux mois après que Mohamed Amra s’est évadé pendant un transfert en prison, les lacunes qui ont permis cette évasion violente commencent à être révélées. Un « manque » de communication entre les autorités judiciaires, pénitentiaires et les enquêteurs a été signalé le jeudi 1er août, dans un rapport de l’inspection générale de la justice (IGJ). Ce déficit de communication a conduit à le traiter comme un prisonnier ordinaire plutôt qu’un prisonnier spécialement signalé.
Deux employés de l’administration pénitentiaire ont été tués et trois autres ont été blessés, dont deux gravement, lors de l’attaque extrêmement violente de leur véhicule le 14 mai au péage d’Incarville (Eure). Le criminel récidiviste, impliqué dans le trafic de drogues, est toujours en fuite et est recherché par la police en France et à l’étranger.
« L’analyse de la coordination et du partage d’informations entre tous les services et autorités ayant eu connaissance des activités illégales de Mohamed Amra révèle un fort isolement », écrivent les auteurs du rapport. Dans son document de 61 pages, dont certains passages ont été censurés pour préserver principalement le secret des enquêtes, l’IGJ note que « les méthodes de gestion de la détention » de cet homme dans la trentaine qui est passé progressivement de « la délinquance moyenne » à « la grande criminalité », « ont évolué vers un durcissement progressif » en raison de « l’évolution des informations judiciaires connues des institutions et des incidents disciplinaires relevés contre lui ».
« Un contrat pour la vie d’un surveillant » est également mentionné dans le document.
Cependant, une absence de collecte et d’analyse centralisées des divers intervenants concernant la situation de Mohamed Amra a eu pour conséquence de masquer son véritable profil. Au lieu de le voir comme un prisonnier spécifiquement signalé, chaque autorité judiciaire l’a pris pour un détenu typique.
Amra, qui a un total de quinze condamnations depuis l’âge de 13 ans et a été enfermé dans plusieurs prisons, était visé par deux enquêtes judiciaires criminelles pour tentative de meurtre et complicité de meurtre en gang, et serait impliqué dans cinq autres procédures, d’après le rapport.
Dans le contexte de l’une des enquêtes judiciaires, des écoutes avaient été mises en place dans sa cellule à la prison de la Santé à Paris. Cela a permit à l’Office central de lutte contre le crime organisé (OCLCO) de constater qu’il continuait son trafic de drogue en prison, allant jusqu’à voler, kidnapper et extorquer ses rivaux.
C’est seulement le 11 avril, après son transfert de Marseille à la prison d’Evreux, que l’information obtenue grâce aux écoutes de la Santé a été révélée, indiquant qu’il aurait proposé une prime pour la tête d’un gardien. Bien que la cellule de renseignement pénitentiaire de Marseille soit informée, la prison d’Evreux ne le sera pas.
Dix-sept recommandations ont été faites sur ce sujet.
Avant l’attaque du fourgon, les gardiens de la maison d’arrêt d’Evreux avaient découvert la tentative d’évasion de Mohamed Amra par un barreau de cellule scié. Malheureusement, cette information n’a pas été diffusée à tous les intervenants concernés par son cas, comme l’a révélé l’IGJ, d’où l’absence de renforcement de sa sécurité lors de son transfert le 14 mai.
L’enquête confiée à l’IGJ par Eric Dupond-Moretti, le ministre de la justice, a débouché sur dix-sept recommandations afin d’améliorer la circulation de l’information entre les différents services judiciaires et de renseignement.
Pour régler les problèmes existants, une nouvelle circulaire commune pour les échanges d’informations concernant les individus en détention provisoire pour des actes de criminalité organisée sera élaborée. De plus, la création d’un poste de procureur national anticriminalité organisée, annoncée en avril 2024, va partiellement résoudre ce manque crucial de communication et de coordination, a déclaré le ministre de la Justice. Cependant, la création de ce poste et la mise en œuvre des recommandations de l’IGJ sont toujours en attente de la formation d’un nouveau gouvernement.
Dans une déclaration, FO-Justice a déploré le manque de communication de la part des juges et a affirmé que certaines personnes avaient clairement une « responsabilité morale » dans cette affaire.
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