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Les œuvres cinématographiques les plus politisées ne sont pas nécessairement celles que l’on imagine être. Les récits les plus révélateurs sont souvent ceux qui touchent le point sensible. En 1988, avec Invasion Los Angeles, John Carpenter a transformé les mécanismes de la série B régressive en une attaque dynamique contre l’Amérique victorieuse de Reagan et son nouveau contexte économique. Un protagoniste musclé y découvre une société infectée par des aliens exploitants et remplie de messages de propagande. Pour percevoir cela, il a juste à mettre des lunettes noires mystérieuses. La métaphore de science-fiction ne cherche pas la subtilité, elle est impérative, claire, dualiste, directe.
Étonnamment, peu de films de la même époque ont dépeint aussi précisément le paradigme des années 1980 (qui est toujours d’actualité) : disparition de la vieille culture ouvrière, société à deux allures, consommation soporifiques, déréglementation financière, indoctrination par les médias… John Carpenter a lui-même proclamé : « Ce n’est pas de la science-fiction. C’est un documentaire.»
Le réalisateur rebelle, descendant de la contre-culture des années 1970, traverse alors, après quinze ans de carrière, une phase critique. Sacré « maître de l’horreur » après le succès inattendu d’Halloween. La nuit des masques (1978), sa relation éphémère et tumultueuse avec les grands studios de Hollywood se termine par l’échec consécutif de The Thing (1982), son œuvre majeure, et des Aventures de Jack Burton dans les griffes du mandarin (1986). Le premier, un huis clos arctique d’un pessimisme total, se confronte à l’humeur juvenile et spectacle friand de l’époque, tandis que le second, un hommage au cinéma hongkongais, provoque l’indifférence.
Un lutteur en héros ouvrier.
Tandis qu’Hollywood se précipite vers la production massive de blockbusters à haute tension, John Carpenter choisit un parcours différent, explorant le domaine des films d’exploitation série B. Il conclut un accord avec Alive Films, leur promettant quatre films à budget serré qui lui accordent une liberté totale. Cependant, il n’en réalise que deux, produits successivement et avec une énergie féroce : « Prince des ténèbres », produit avec un budget de 3 millions de dollars en 1987, qui préfigure l’arrivée de l’Antéchrist, suivi par « Invasion Los Angeles » (ou « They Live » en anglais, tiré d’un graffiti présent dans une des scènes du film : « Ils vivent, nous dormons »).
L’inspiration pour « Invasion Los Angeles » lui vient de la bande dessinée « Nada », basée sur le récit « Les Fascinateurs » (1963) de l’auteur de science-fiction Ray Nelson (1931-2022), un collaborateur de Philip K. Dick (1928-1932). Cette histoire raconte une invasion extraterrestre classique. Carpenter a déclaré: « J’ai été fasciné par l’histoire, mais j’ai pensé qu’elle devait être modernisée, » et a ajouté : « J’ai pensé qu’elle serait plus pertinente si la révolution Reagan était dirigée par des extraterrestres d’une autre planète. »
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