L’Italie déploie son charme dès Monte-Carlo. En effet, « Pasolini en clair-obscur » est la présentation d’une exposition dédiée à l’éminent intellectuel italien (1922-1975), mise en scène par le Nouveau Musée national de Monaco. Dissimulé derrière des lunettes sombres, son regard semble plongé vers la mer Méditerranée. Il avait entrepris en 1959 un voyage à travers l’Italie bord de mer, partant de Vintimille, situé à une vingtaine de km à l’est de la principauté, pour finir à Trieste, sur la côte adriatique. En cours de route, il a consigné ses observations qui ont contribué à l’écriture de son récit, La longue route de sable (Arléa, 2004).
Voyons à travers cette affiche un signe. Notre investigation emprunte en effet le même chemin et s’appuie sur le même principe : quoi de mieux que la mer pour réfléchir sur les splendeurs et les tristesses, les tourments et les énigmes de l’Italie ? Chaque été, plus des deux tiers des Italiens s’installent au bord de l’eau, la plupart du temps sur des plages privées, en compagnie de leur élites politiques et de leurs idoles.
Dans ces lieux de jouissance hédonistes, ils retrouvent la douceur de la dolce far niente, qu’exprimaient également leurs ancêtres romains avec le terme otium : le corps se détend, l’esprit s’allège. Néanmoins, ces lieux sont également le théâtre des mafias, du fascisme, du changement climatique, de la crise migratoire et de l’économie : la mer, le soleil et le sable sont les principaux acteurs d’une économie prospère, bien que peu transparente, qui engendre ses propres oligarques.
Un défi.
Avant de se diriger vers Vintimille, faisons une halte à Monaco. Nous avons eu la chance de converser avec Flavio Briatore, un italien de 74 ans. Au fil de sa vie, ce personnage est passé par de nombreux métiers, tels que moniteur de ski, assureur et magnat de la Formule 1. Il est célèbre pour ses problèmes avec le fisc et ses anciennes relations, a été fugitif aux Îles Vierges avant d’être enfin amnistié. Briatore est le créateur d’un gigantesque réseau balnéaire qui comprend des restaurants, des discothèques et des plages privées sous les emblèmes de Twiga et Billionaire. Pour cet entrepreneur, les Italiens ne choisissent pas ce métier par nécessité, mais par passion. Son credo est de faire se sentir le client chez lui, à l’aise, comme en famille. Effectivement, à Monaco, il est dans son élément : son restaurant du Twiga donne sur la plage du même nom ainsi que sur la boîte de nuit du Twiga. Il doit nous interrompre car il attend le maire de Vintimille. Ils doivent embaucher une quarantaine de travailleurs pour l’inauguration de leur prochain site balnéaire à la fin du mois de juin.
À Vintimille, le nouveau Twiga est placé dans la baie Grimaldi, niché entre la voie ferrée, la route côtière et les montagnes alpines. Des cabanes en bois, converties en maisons de villégiature, rappellent l’époque où les pêcheurs y stockaient leurs bateaux. « Il était courant de voir des bergers faire paître leur bétail ici. C’est difficile à croire aujourd’hui, mais des plantes poussaient dans le sable », indique Rudy Valfiorito, un vigneron militant pour des groupes écologistes. C’est l’une des dernières plages naturelles d’une région déjà assiégée par le tourisme de masse.
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