À partir du 1er août, le Nigeria sera le théâtre de diverses manifestations contre la mauvaise gestion et l’augmentation des coûts de la vie. Récemment, les fonctions militaires et politiques ont averti contre toute forme de violence au cours de ces événements.
Quelle est la situation économique la plus récente ?
Le pays traverse actuellement sa pire crise économique depuis l’époque d’une génération à cause des réformes introduites par le président Bola Ahmed Tinubu, qui a pris le pouvoir en mai 2023. Il a terminé les subventions sur les carburants et le contrôle des devises, ce qui a conduit à une triple augmentation du prix de l’essence et à une montée générale des prix. L’inflation des produits alimentaires a franchi le seuil des 40% et la faim commence à se répandre. M. Tinubu a demandé de la patience pour la mise en œuvre des réformes, déclarant qu’elles favoriseront l’attraction des investissements étrangers.
La situation ressemble-t-elle à celle du Kenya ?
D’après certains spécialistes, les manifestations au Nigeria, le pays le plus peuplé d’Afrique, pourraient atteindre le même niveau que les protestations sanglantes au Kenya, particulièrement en raison de la frustration croissante parmi les jeunes. Cependant, beaucoup d’experts jugent peu probable que d’importantes foules se rassemblent dans les rues. Ils relèvent la relative tranquillité jusqu’à présent des réformes de M. Tinubu et les craintes suscitées par les mesures de répression précédentes.
Qui organise les manifestations ?
Ces derniers temps, un grand nombre d’internautes ont eu recours aux hashtags #EndBadGovernanceInNigeria (« arrêter la mauvaise gestion au Nigeria ») et #RevolutionNow (« révolution immédiate »), invitant les citoyens nigérians à protester au début du mois d’août. Récemment, l’AFP a eu l’occasion d’intervenir auprès de deux jeunes qui organisaient des manifestations à Abuja, et qui ont réfuté les déclarations des autorités qui prétendaient que certaines personnes étaient « déterminées » à provoquer des émeutes lors des manifestations. Les responsables insistent sur le fait que ce sont les citoyens nigérians ordinaires qui sont à l’avant-garde du mouvement, et ils accusent les autorités de jeter les bases pour une répression possible.
Que disent donc les autorités à ce sujet ?
Elles ont multiplié les mises en garde. La police d’Abuja a annoncé qu’elle déploierait plus de 4 000 agents, l’armée a déclaré qu’elle « ne resterait pas passive et qu’elle ne laisserait pas l’anarchie prendre le dessus », tandis que le président Tinubu a averti du danger d’une escalade.
Et que pensent les citoyens nigérians ? Les organisateurs prévoient des manifestations de milliers de personnes à travers le pays, surtout dans les grandes villes telles que Lagos, Abuja et Kano. Néanmoins, beaucoup redoutent la violence ou la perte d’une journée de salaire. « Je souhaiterais participer aux manifestations car le Nigeria a besoin de changement », déclare Patience, une commerçante de maïs de 27 ans à Abuja. Cependant, sa priorité est de gagner suffisamment d’argent pour acheter du lait pour son fils de 9 mois : « Je participerai [aux manifestations] si j’ai assez d’argent pour cela. »
Et la situation dans le nord du Nigeria ?
L’impact de la crise économique a été dévastateur dans le nord du Nigeria, principalement de confession musulmane, où les leaders religieux, semblant préoccupés, ont conseillé aux personnes d’éviter les rassemblements publics. Cependant, Mansir, un enseignant de 32 ans, insiste sur le fait qu’il manifestera sûrement : « Nous souffrons en silence, et ce n’est que quand nous élèverons nos voix que le gouvernement comprendra notre souffrance. Les dirigeants religieux prétendent simplement que l’Islam interdit les manifestations sans fournir la moindre preuve. Je les défierai. »
Quel a été l’impact des manifestations précédentes ?
En octobre 2020, le Nigeria a été le théâtre d’un vaste mouvement de protestation appelé #EndSARS, dont le but était de mettre fin aux excès de la brigade de police Special Anti-Robbery Squad (SARS). Ce mouvement a réussi à obtenir la dissolution de cette brigade, mais les manifestations se sont terminées de manière sanglante. Selon Amnesty International, au moins dix manifestants ont été tués à Lagos. Le gouvernement et l’armée ont rejeté toute responsabilité.
En 2012, l’armée avait aussi sévèrement réprimé les manifestations « Occupy Nigeria » qui s’opposaient à la tentative de l’ancien président Goodluck Jonathan de supprimer les subventions sur les carburants.